Aurons-nous droit chaque année, désormais, à une nouvelle excursion dans le Paris des merveilles ? Alors que l’excellent souvenir laissé par Malfaiteurs du Paris des merveilles, paru fin 2021, est encore frais dans nos mémoires de lecteurs de fantasy, voici qu’est arrivé en librairie un nouveau recueil de nouvelles, le troisième, toujours chapeauté par Pierre Pevel. La formule éditoriale ne change pas : après une entrée en matière signée du maître des lieux (Affaire à suivre, où l’on retrouve le trio des Artilleuses), une équipe d’auteurs s’attelle à la tâche de nous faire vivre moult aventures trépidantes dans la capitale française de la Belle Époque, sous le sceau de l’uchronie féerique. Pour la troisième fois réquisitionné, Benjamin Lupu nous propose de suivre L’Affaire du cirque de la Lune ; Catherine Loiseau rempile également, pour un second tour de piste, avec Chats, crimes et botanique ; les autres plumes font quant à elles leurs premières armes dans l’univers magique du cycle d’Ambremer : Sarah Guerreiro-Viseu nous entretient de L’Affaire Montrancy, Adélie Pellarin nous fait goûter à L’Absinthe pourpre tandis que Caroline Schweighofer, fermant le volume, s’amuse avec Pirouettes et fausse moustache.
Une demi-douzaine de nouveaux récits, donc, et, comme à son habitude, Pierre Pevel casse la baraque avec une histoire de 35 pages dont le rythme alerte s’explique, entre autres, par une alternance heureuse de formes narratives (le récit est à deux voix, entrecoupé d’extraits d’articles de presse et même d’une interview). Et s’il reprend pour l’occasion les personnages de sa série de BD Les Artilleuses, le romancier rend surtout un hommage des plus sympathiques à l’illustre Gaston Leroux et à son fameux personnage de Joseph Joséphin, alias Rouletabille, journaliste et fin limier, ici ressuscité, si l’on puit dire, à la faveur du thème élu pour le recueil, les Enquêteurs. La nouvelle de Pevel n’a qu’un tort, celle de se finir en pointillés (on est un peu déçu, et pourtant on était prévenu d’avance grâce au titre, Affaire à suivre). Mais inutile de ruminer, il reste à enchaîner avec les cinq autres créations — et autant d’enquêtes —, parmi lesquelles deux ont retenu particulièrement notre attention : avec L’Affaire du cirque de la Lune, Benjamin Lupu confère à Cécile de Brescieux (la magicienne qui rend folle de jalousie Isabel de Saint-Gil dans les romans de Pevel) la fonction de directrice d’un pensionnat secret dont l’une des résidentes vient à manquer à l’appel ; et dans L’Absinthe pourpre, Adélie Pellarin se plaît à mettre en scène Anthelme, jeune policier aussi gauche que courageux et, accessoirement, fils du criminologue Alphone Bertillon (également le « père » de l’anthropométrie judiciaire). L’une et l’autre quête, celle de Lupu et celle de Pellarin, fournissent la matière à deux passionnants récits d’investigation, habités de personnages hauts en couleurs et aux caractères attachants. D’excellents moments de lecture, et l’on se dit que le seul bémol de l’ouvrage vient peut-être de la dernière histoire, dont le style d’écriture (malgré le titre rigolo et une conclusion où interviennent deux personnages majeurs des romans de Pevel) ne parvient pas à être tout à fait dans le ton du cycle d’Ambremer. Quoiqu’il en soit, une troisième collection hautement recommandable, et donc recommandée.
En librairie depuis le 18 mai 2022.