J-8 avant la sortie du nouvel album de Dagoba. Après nous avoir mis l’eau à la bouche dès juillet dernier (avec la diffusion du premier single et du premier clip, The Hunt), la formation de groove/indus metal s’apprête enfin à livrer son huitième opus, By Night, enregistré avec le concours d’un nouveau batteur et d’un nouveau bassiste (respectivement Théo Gendron et Kawa Koshigero). La voix de Dagoba, quant à elle, n’a pas changé, c’est toujours celle de Shawter et il répond à nos questions.
Khimaira : Le premier échantillon qu’on a pu entendre du nouvel album, c’est The Hunt, une chanson accompagnée d’un clip incroyable. Cette vidéo, était-ce votre manière de frapper fort dès la diffusion du premier single ?
Shawter : On avait envie de franchir un palier sur le plan visuel. Concernant notre musique elle-même, je trouve qu’on a fourni des productions plus qu’acceptables avec nos sept premiers albums. Mais on s’est dit qu’il y avait sûrement encore des choses à améliorer, surtout au niveau des clips. Alors on a décidé de mettre l’accent là-dessus, et de mettre le paquet pour tout dire ! Comme tu dis, quitte à s’investir à fond sur ce plan, autant que ça marque les esprits. Et jusqu’ici on n’a eu que d’excellents retours, on est très, très heureux du résultat.
C’est un clip orienté SF, et j’imagine que vous vous êtes fait plaisir en citant des œuvres qui vous tiennent à cœur ?
Oui, on voulait arriver à une vidéo qui rappelle l’univers de Blade Runner, celui du Néo-Tokyo d’Akira… On tenait aussi à ce que le clip se déroule dans un endroit qui rappelle la scène de la cantina dans Star Wars. Voilà les trois grandes influences qu’on tenait à placer dans le clip et dont on a fait part au réalisateur. Il a vraiment fait du bon boulot, on se retrouve plongé au croisement de ces trois univers et de ces trois ambiances.
En fin de vidéo, on retrouve aussi une atmosphère plus liée au folklore et à l’épouvante traditionnelle, avec la pleine lune et le thème du loup-garou…
Cette partie-là illustre le thème et le titre de la chanson, qui évoquent les proies et les prédateurs, avec une petite touche de mystère à la fin. Une ambiance et un décor qui nous permettent de faire le lien avec la pochette de l’album, qu’on a dévoilée un peu après la diffusion du clip.
Outre les références à la SF et à l’épouvante, le clip met aussi en avant une imagerie très sexy, avec toute une série de plans sur des strip-teaseuses. Une manière de provoquer un peu tous les censeurs bienpensants de notre époque, qui s’offusquent de tout et de rien et prônent le politiquement correct ?
Non, pas du tout. On a toujours été clairs là-dessus : on ne fait pas de politique, ce n’est pas le but de notre musique. On n’est pas là pour se revendiquer pour ou contre tel courant. En faisant appel à Video Ink [la société britannique qui tourné le clip — NdR], nous savions qu’ils aimaient bien mettre en avant la plastique féminine dans leurs productions, et pour tout dire, le premier montage qu’ils nous ont montré était plus « chaud » que celui qu’on peut voir maintenant ! On leur a demandé de revoir cet aspect-là du clip à la baisse, pas du tout par crainte de se voir reprocher quoi que ce soit, mais simplement parce qu’on ne voulait pas tomber dans une certaine facilité, et surtout rester dans un certain à-propos par rapport à la musique. Au cours de notre carrière, on a proposé une vingtaine de clips, plus une quantité considérable d’artwork — des posters, des livrets d’albums… — dans lesquels on n’a jamais ni mis en avant ni dévalorisé l’image de la femme, et ce n’est pas avec cet album qu’on allait commencer.
J’ai été surpris de la présence dans le clip de Jason Kwan, le comédien principal. Car c’est un chanteur de glam pop dont l’univers artistique est très éloigné de la scène metal…
Mince, je savais que Jason est un acteur-mannequin, mais je ne lui connaissais pas de carrière musicale ! Pour faire le lien avec ta question précédente, et parce qu’on n’avait pas envie qu’on vienne nous chercher des poux au sujet du côté sexy de la vidéo, on trouvait ça intéressant de faire appel à une personnalité un peu androgyne — Jason fait des représentations tantôt habillé en homme, tantôt grimé en femme. On ne savait pas grand-chose de lui quand son nom est arrivé sur la table, et on trouve qu’il est parfait dans le clip, il est comme tous les autres personnages : il a du caractère, du chien.
The Hunt est sorti dans le courant de l’été dernier. Depuis on a pu découvrir deux autres singles, dont On The Run, un duo avec une voix féminine. Avais-tu déjà enregistré un duo auparavant ?
Oui, deux fois, pour notre album What Hell Is About : c’était avec Vortex, le bassiste de Dimmu Borgir. Sur les titres It’s All About Time et The White Guy (Suicide).
Et qui est la chanteuse qu’on entend avec toi dans On The Run ?
Une amie, qui vit en Angleterre. C’est une chanteuse professionnelle qui a un projet personnel en cours et qui, pour cette raison, ne tient pas à ce que son nom soit dévoilé.
OK, le mystère reste entier… Concernant la chanson elle-même, elle est très différente de tout ce qu’a pu enregistrer Dagoba jusqu’ici. Elle sonne très pop-rock. Comment a-t-elle été composée ?
Si on veut bien creuser dans toute notre discographie, on peut entendre qu’on a toujours eu un penchant pour les mélodies, pour les refrains en chant clair, pour des ambiances un peu plus rock avec des titres comme Shen-lung, Another Day… Ce n’est pas comme si on était passés d’un coup du black metal à la pop ! L’idée qui me trottait dans la tête, c’était de mettre en avant une association piano-voix. J’avais fait des démos avec piano et violoncelle, des choses intéressantes mais presque des interludes que je ne savais pas bien où caser dans notre musique. D’où ce morceau qui, pour ne rien te cacher, a été le deuxième titre que j’ai composé pour cet album. On pourrait s’imaginer qu’on a enregistré une dernière chanson un peu plus calme pour compléter la tracklist, mais pas du tout. On The Run est une chanson qui s’est imposée d’elle-même. Au départ, j’ai essayé d’en interpréter seul les couplets, mais le rendu n’était pas terrible, on restait dans des tonalités graves et suaves tout du long, on aurait presque dit du Depeche Mode, voire une chanson d’Étienne Daho ! L’idée de faire appel à une chanteuse s’est ainsi également imposée d’elle-même, elle a repris mes lignes de voix en les interprétant un octave plus haut, et ça crée un bel effet de contraste.
Dans la musique comme dans les clips, j’ai remarqué que rien ne permet d’identifier Dagoba comme étant un groupe français. Est-ce une volonté délibérée de votre part de gommer tout ce qui pourrait souligner votre origine ?
Depuis nos débuts, on n’a jamais tenu à se revendiquer comme français. On n’a pas honte de nos origines, on en est même très fiers, mais on n’a jamais voulu ne s’adresser qu’au public français. La musique est un langage universel et notre ambition a toujours été d’exporter la nôtre vers le plus de gens possible. Ensuite, j’ai effectivement lu des commentaires sur Internet en-dessous du clip d’On The Run, avec des commentaires un peu négatifs sur la bagnole qu’on voit dans la vidéo, une voiture américaine… et là, je mets au défi quiconque sur la planète de trouver un clip de metal où on voit rouler une Clio ou un Scénic (rires) ! Et puis je dois préciser que les scènes françaises représentent seulement 10 à 15% de nos concerts. Idem pour nos ventes d’albums, et ce depuis toujours.
Entre Black Nova, l’album précédent, et celui-ci, il y a eu quelques changements de line-up avec l’arrivée de deux nouveaux membres. Qu’ont-ils apporté de neuf à Dagoba ?
Ils n’ont pas apporté de compositions à proprement parler mais ils ont grandement participé à pousser le groupe vers de nouveaux horizons. On a fait comme un tour de table, et on a clairement établi que nous ne voulions par reproduire ce que Dagoba avait pu faire auparavant. On a notamment choisi de prendre quelques risques en poussant le curseur des machines et de l’électro.
Il me semble aussi que cet album porte une attention plus grande aux mélodies…
Tout à fait d’accord. Une de nos lignes directrices a été de faire des refrains les « highlights » de chaque chanson. Sur toute notre discographie, le point culminant des titres pouvait être le gros riff d’intro, ou bien le refrain, ou alors le pont ; ça pouvait être la conclusion de la chanson ou un riff sans voix dessus… Cette fois, on a voulu composer des refrains qui marquent, des refrains entêtants, pour tous les titres, et pour qu’à la fin, l’album laisse l’auditeur sur une sensation de bien-être. On n’avait pas envie de laisser une impression de violence ou de noirceur après l’écoute, comme on a pu le faire par le passé. On a voulu que By Night soit un album cool et qui rende heureux !
Propos recueillis en janvier 2022. Mille mercis à Magali Besson (Sounds Like Hell Productions) et Hakan Halac (Napalm Records).
Sortie de l’album By Night le 18 février 2022.