Cet fin d’automne je vous propose de découvrir deux versions de Blanche-Neige, voici la deuxième
Béatrice Alemagna nous prévient dès sa préface qu’ici il n’y aura pas de nains joviaux et espiègles, d’espaces de respirations. Non, du texte publié pour la première fois en 1812 par les frères Grimm en Allemagne, elle a décidé de prendre le parti de la reine, celui de la jalousie, de la vengeance…
Moi ! « L’aimée, la belle, la puissante… », moi ! Cette reine qui nous entraine dans l’histoire par le plume d’une autrice dont les illustrations ont elles aussi pris le parti de la noirceur et de la confusion. Grâce au chasseur, vivante de son crime, la reine croit qu’elle est arrivée à ses fins, qu’elle est vivante à nouveau et qu’elle va pouvoir vivre enfin de nouveau sans rivale, sans ombre. Mais vous le savez dans cette histoire, il y a aussi de la magie, noire, puissante et dangereuse et le miroir est l’une de ses facettes, l’un de ses dangers : miroir, mon beau miroir…
Alors il va falloir prendre les choses en mains, faire les basses besognes soit même pour éliminer ce cauchemar qu’est cette jeune fille aux cheveux de jais. Toujours après le texte, les illustrations sur plusieurs doubles pages, sans texte, envahissent les pages, torturent les formes, l’histoire et sa noirceur, entrainent dans une forêt inquiétante. Seules, peut-être les pages qui suivent la résurrection de la belle semblent plus lumineuses plus apaisées. Mais c’est sans compter la dure réalité, celle de la fin du conte qui avant de se terminer par un mariage, conduit à la torture et la mise à mort par le supplice des sandales de fer chauffée à blanc que la Reine devra porter et qui la feront danser jusqu’au trépas. Ensuite la vie pourra reprendre ou non son cour, sans regret, sans mélancolie la Reine a brûlé sa vie et son pouvoir, s’est laissée consommer par la jalousie, l’envie et gagner par la folie.
Un album absolument inclassable, tant par le texte puissant et dur que par les illustrations absolument insaisissables, d’une puissance et d’une beauté rare et violente. On est d’abord très impressionnés par cette version peu habituelle qui retourne les choses et sort totalement de la mièvrerie dans laquelle certaines interprétations nous entraînent et au final totalement conquis par cette histoire, peut être destinée aux plus grands. Un album magnifique à la publication soignée, à la couverture cartonnée et titre doré avec une tranche ouverte et cousue Un bonheur rare de lecture, de découverte, de sentiments et d’émotions pour un conte que l’on croyait si bien connaître. Merci Béatrice Alemagna : quel talent !