Le monde du metal est tel celui des légendes et de la mythologie : lorsqu’un groupe disparaît, il lui arrive de renaître de ses cendres sous un autre nom, sous une autre forme, et de poursuivre sa grande quête musicale. Ainsi en va-t-il d’Hiraes, formation allemande de death metal mélodique née sous l’impulsion des ex-musiciens du groupe Dawn of Disease et de la chanteuse Britta Görtz. Le premier album d’Hiraes s’intitule Solitary, il sort aujourd’hui même 25 juin et on en discute avec le guitariste Lukas Kerk.
Khimaira : Lukas, on dirait que ça ne marche pas trop mal pour nos équipes nationales respectives à l’Euro. Serais-tu prêt à tenter un pronostic pour la finale ?
Lukas Kerk : Pour être honnête, ce serait très dur pour moi étant donné que le foot ne m’intéresse pas du tout. Je ne saurais même pas dire quelles équipes sont encore dans la compétition (rires) !
Eh bien dans ce cas, parlons musique, on est quand même là pour ça. 2020, ce n’était pas la meilleure année pour faire des rencontres et monter un groupe. Malgré tout, Hiraes est là, c’est un tout nouveau nom sur la scène metal. Comment le groupe est-il né ?
Après la dissolution de Dawn of Disease, il était évident pour moi et pour les trois autres membres restants de continuer à faire de la musique ensemble. Début 2020 — à ce moment-là, on n’avait pas encore trouvé de nom pour le groupe —, nous nous sommes lancés à la recherche de quelqu’un pour assurer le chant. On a passé en revue quelques noms et c’est moi qui ai proposé celui de Britta. On la connaît depuis l’époque de son premier groupe Cripper, et on a même fait quelques scènes avec son autre groupe actuel, Critical Mess. Les autres gars ont trouvé que c’était une bonne idée : nous aimons tous sa voix ainsi que ce qu’elle est capable de donner sur scène. Je lui ai envoyé un e-mail, auquel elle a répondu favorablement. On a ensuite mis tout ça au point par téléphone. Bon, à cause de la pandémie, on a dû reporter plusieurs fois nos premières sessions de répète, mais finalement — ça devait être vers mai-juin — on a pu se retrouver tous les cinq dans une salle et on a joué la toute première chanson d’Hiraes, Outshine, qu’on avait composée un peu avant. Le courant passait bien, l’alchimie fonctionnait, alors voilà : Hiraes était né !
Le nom du groupe, d’où vient-il ? Est-ce de l’anglais ? du latin ? Comment doit-on le prononcer ?
C’est notre guitarise, Olli, qui l’a trouvé. Nous recherchions un nom court, marquant et qui colle bien à notre musique. Le mot provient du gallois “hiraeth”, qui renvoie à la nostalgie du foyer ou à l’envie de retrouver des endroits qu’on a laissés derrière nous. Par bien des aspects, nos paroles de chansons sont mélancoliques, et nous avons pensé que ce mot serait parfait pour désigner notre groupe. Nous avons remplacé la terminaison par un ‘s’ pour rendre le mot plus singulier et aussi pour le rendre plus facile à prononcer : pour l’articuler correctement, il n’y a qu’à dire « Hi » (comme quand tu salues quelqu’un en anglais) et ensuite « res », et tu obtiens Hiraes. Tu vois, c’est facile !
Vous jouez du death metal et à la sortie de vos clips, j’ai vu passer des commentaires élogieux ici et là affirmant que vous êtes au moins aussi bons que d’autres groupes déjà très célèbres dans le même genre. Est-ce que vous aviez en tête de vous différencier pour éviter les comparaisons encombrantes ?
Les comparaisons sont difficiles à éviter quand tu lances un nouveau groupe de metal. Mais d’un côté, ce n’est pas plus mal : comme ça, les gens situent tout de suite vers quoi s’oriente la musique du groupe. Nous essayons d’affirmer notre propre style de death metal mélodique, cela dit, évidemment, c’est quasi impossible d’aboutir à quelque chose de totalement nouveau. Et puis ce n’est pas non plus notre ambition. On associe des éléments musicaux qu’on aime bien pour créer notre « mélange ». Je sais qu’on nous a déjà comparés à Arch Enemy ou Amon Amarth, ce qui n’est pas pour nous déplaire car ce sont des pointures du genre.
En termes de paroles, quelles sont vos sources d’inspiration ?
C’est Britta qui se charge des paroles et, pour autant que je sache, elle a plein de sources d’inspiration — cela va de la vie de tous les jours aux expériences du passé. Sur ce premier album, Solitary, je sais qu’elle a puisé dans des thèmes très personnels, à partir d’événements réellement vécus, par elle ou par des personnes qu’elle connaît. Under Fire, par exemple, évoque une période difficile que sa meilleure amie a traversé et qui, à la fin, l’a rendue plus forte.
Pour créer l’album, est-ce que vous avez travaillé tous ensemble enfermés dans un studio en parfaite autarcie du début à la fin ?
Tout s’est déroulé un peu comme tu le décris, mais d’une manière particulière. On dispose presque tous à la maison de notre propre studio d’enregistrement — Olli pour les guitares, Mathias pour la batterie et Britta pour le chant. Nous avons enregistré chacun de notre côté et ensuite tout envoyé aux studios Fascination Street, en Suède, où le mixage a été réalisé. On a beaucoup communiqué via Internet, ce qui a rendu assez facile tout le processus d’enregistrement.
Je me suis entretenu récemment avec plusieurs autres groupes allemands. Il y a une question que je ne leur ai pas posée alors je te le demande à toi : outre-Rhin, comment le grand public et les médias généralistes considèrent-ils les groupes de metal ? Je m’interroge parce qu’en France, c’est un univers musical dédaigné ou ignoré par la presse mainstream, et plein de gens voient le metal comme un défouloir bruyant à l’usage des éponges à bière…
J’ai l’impression, justement, que le metal devient de plus en plus mainstream en Allemagne au fil des ans. Il y a beaucoup de médias qui couvrent les différents festivals spécialisés, à commencer bien sûr par le célèbre Wacken Open Air. Même le « Tagesschau », une des émissions d’actualités les plus regardées, y consacre du temps d’antenne. Alors il y a peut-être encore des gens qui n’arrivent pas à prendre ce style de musique au sérieux, mais je dirais qu’en général, les fans de metal jouissent ici d’une bonne image : ce sont des gens souriants et ouverts, et toujours prêts à donner un coup de main quand il y a besoin. Et même ceux qui ne se sentent pas concernés par le metal respectent le dévouement que les groupes et les fans ont pour leur musique préférée.
Alors justement, l’été est de retour et il semble que les festivals et les concerts en plein air vont pouvoir reprendre. Est-ce que vous avez déjà des dates prévues ? Le groupe et toi devez avoir hâte de jouer votre album sur scène…
Oui, on espère bien pouvoir retrouver rapidement et régulièrement le chemin de la scène. Nous avons déjà deux dates annoncées pour cet été : le 23 juillet à Francfort et le 24 à Munich. Des concerts organisés en tenant compte des exigences sanitaires et où nous allons jouer en première partie du groupe de dark rock Lacrimas Profundere. Il nous tarde vraiment d’y être et de pouvoir annoncer d’autres dates très bientôt !
Aurais-tu un souvenir de festival, particulièrement fou, à partager avec nous ?
Au Ragnarök Festivak, à Lichtenfels, où Dawn of Disease a joué en 2018. Notre chanteur et moi-même avions bu quelques verres de trop et nous nous sommes réveillés dans le hall d’entrée de l’hôtel sans réussir à nous souvenir de ce qui s’était passé la veille. De toute évidence, on avait sombré avant de retrouver le chemin des chambres… Néanmoins, on s’est dirigés vers la salle du petit-déjeuner, d’où nous avons appelé les autres membres du groupe pour qu’ils nous y rejoignent. Les autres gars arrivent et pourtant impossible de les voir alors qu’on était bien là à les attendre et qu’on les avait au bout du fil ! La vérité a fini par s’imposer : en bons soûlards, on s’était tout simplement gourés d’hôtel (rires) !
Comment ferais-tu la publicité d’un concert d’Hiraes ? Imagine que des fans hésitent entre un billet pour un de vos concerts et un autre pour un autre groupe…
Déjà, je recommanderais d’acheter les deux billets si les concerts n’ont pas lieu le même jour. Parce que tous les groupes ont besoin de soutien pendant et après l’épreuve que nous avons traversée. Et si vraiment il faut opérer un choix, alors je dirais ceci : vous avez la chance de pouvoir assister à l’un des tout premiers concerts d’Hiraes ! Nous jouons un death metal accrocheur à vous couper le souffle, et nos concerts débordent de puissance et d’énergie. Vous ne le regretterez pas !
Une dernière question : quel est le dernier album que tu as découvert, tous styles confondus ?
Riitiir d’Enslaved.
Et quel est le dernier que tu as adoré de la première à la dernière note ?
How Do We Want To Live de Long Distance Calling.
Merci pour tes réponses, Lukas. Et comme nous sommes le 21 juin, nous te souhaitons un super été, à toi et aux autres membres du groupe !
Merci beaucoup pour l’interview, Julien ! À bientôt, je l’espère, sur la route des concerts. Passe toi aussi un super été !
Propos recueillis en juin 2021. Special Thanks to Lisa Gratzke (Napalm Records Berlin).