La force poétique et la portée imaginaire des mythes grecs sont telles qu’on peut mesurer au quotidien l’influence de ces légendes sur notre culture actuelle. Outre la foule d’expressions courantes héritées de ces temps anciens — qui n’a jamais rêvé de toucher le Pactole ? ou qui ne craint pas d’être infecté par un cheval de Troie sur son ordinateur ? —, on ne compte plus les films ni les ouvrages de toutes sortes plongeant dans ce vaste patrimoine culturel. Et voici qu’arrive ce nouveau volume sous la forme d’une bande dessinée signée du Britannique James Davies, un passionné d’histoire ancienne (il a déjà publié des ouvrages semblables sur les civilisations antiques grecques et romaines) qui nous rend accessible son érudition par le biais d’un sens de l’humour affûté et d’un coup de crayon qui ne l’est pas moins.
Mais à quoi servaient les mythes, du temps d’Homère et d’Agamemnon ? À bon escient, James Davies rappelle aux lecteurs les plus jeunes que nos ancêtres d’il y a trois ou quatre mille ans ne disposaient pas des connaissances scientifiques d’aujourd’hui. Ainsi l’éclat des étoiles dans la voute céleste, l’alternance des saisons, les causes des tempêtes et des orages, sans oublier la naissance du monde lui-même constituaient des énigmes. D’où l’apparition des mythes, qui permettaient aux hommes d’interpréter le monde, à défaut de vraiment le connaître. La BD illustre donc les lointaines origines de notre planète, née de l’action de Gaia, la déesse mère, et des autres divinités primitives du panthéon grec — Éros, Nyx, Érèbe et Tartare. S’ensuivent les péripéties, toutes plus ou moins guerrières, impliquant notamment Cronos, au solide appétit, et ses divins rejetons (dont le fameux Zeus, qu’on ne présente plus).
Les pages égrènent une quinzaine de chapitres et autant de portraits de héros et de légendes — la boîte de Pandore, Thésée et le Minotaure, Orphée et Eurydice… —, le tout croqué avec un humour décalé voisin de celui de Tu mourras moins bête, la série scientifique rigolote de Marion Montaigne (en nettement moins trash quand même). Les 61 pages sont drôles, inventives, rythmées, le style du dessin est enfantin mais pour autant jamais rébarbatif pour des lecteurs adultes. Et, in fine, la somme de savoir dispensée est conséquente (vous saurez énumérer les douze travaux d’Hercule, qui, au départ, devait en abattre « seulement » dix, eh oui !) et donnera forcément envie aux insatiables curieux de se documenter encore plus sur le sujet. Excellente traduction de Laetitia Agostino, exempte de la moindre coquille, ce qui n’est pas forcément le cas chez tous les éditeurs, en publication jeunesse ou pas.
En librairie depuis le 14 avril 2021.