Il était une fois, au royaume de Jénovie, deux sœurs de mises fort différentes, filles du Haut-Roi Gregor : la belle et lumineuse Hiona, promise à un prince, et sa cadette Hellone-Domenica, vingt ans, que tous appellent par son diminutif Lone. Cette dernière se juge bien terne à côté de sa sœur, si gracieuse, mais elle n’est pas sans caractère, loin s’en faut : d’un naturel indépendant, effrontée, Lone ne peut se résoudre à l’avenir de religieuse auquel elle est vouée. Elle s’invite furtivement dans l’expédition qui doit mener son ainée jusque dans les bras de son futur époux, Mednat, l’héritier du trône d’une froide et rude contrée autrefois ennemie, aujourd’hui alliée, le Nottland. Une union motivée par la politique et dont l’accomplissement pourrait se trouver compromis : sur place, le prince, c’est indéniable, n’est pas insensible au charme de la farouche Hellone…

Le genre de la fantasy est indissociable de la magie et des combats à l’épée, alors il y a forcément un peu de ça dans Hurler avec les loups, mais ce n’est pas ce qui fait courir la plume de Virginia Schilli. Peu de duels armés, de batailles et d’escarmouches sont au programme. Le cœur du récit — à la première personne — est occupé par les tourments de l’héroïne solitaire, la bien nommée Lone. Nourrit-elle de véritables sentiments pour l’héritier de la couronne ? Lui-même en a-t-il pour elle ou, pour des motifs obscurs, fait-il seulement semblant de lui témoigner son attirance ? Nous sommes prévenus grâce au texte de la quatrième de couverture : le roman de Virginia, c’est un peu « Jane Austen qui rencontre la fantasy », impossible de s’étonner de la prédominance, chapitre après chapitre, du récit des tourments intérieurs qui agitent la sauvage Hellone. Rien ou presque ne semble tarir le flot des pensées introspectives de la jeune femme, d’où un usage qu’on peut juger abusif de la psychologie : les remous de la passion transportent souvent les écrivains comme les lecteurs, cependant l’intérêt pour le roman pâtit dès lors que la peinture des sentiments prend le pas sur le récit des actions, et c’est hélas ce qui se passe dans Hurler avec les loups. Les péripéties ne sont pas nombreuses, et un chapitre frappant au cœur de l’œuvre — une cérémonie de noces qui prend un tour féroce autant qu’inattendu — fait regretter que l’auteure n’ait pas davantage laissé libre cours à son imaginaire brutal, qui existe bel et bien (les quelques épisodes violents sont relatés crument, de même que les passages sexuels) et contraste à merveille avec une prose élégante enluminée de mots rares.

Paru le 18 février 2021.