Bienvenue dans un monde où le temps a remplacé l’argent. Génétiquement modifiés, les humains ne vieillissent plus après 25 ans. Mais à partir de cet âge, il faut « gagner » du temps pour rester en vie. Alors que les riches, jeunes et beaux pour l’éternité, accumulent le temps par dizaines d’années, les autres mendient, volent et empruntent les quelques heures qui leur permettront d’échapper à la mort. Will Salas, un homme accusé à tort de meurtre, prend la fuite avec une otage qui deviendra son alliée. Plus que jamais, chaque minute compte…
L’argent, c’est le temps ! Time Out (titre « français » de In Time !) nous donne à voir un monde où le temps est un luxe que l’on peut acheter. Dans ce futur indéterminé, hommes et femmes, qui ne paraissent jamais plus de 25 ans, portent sur l’avant-bras un décompte lumineux indiquant le temps qu’il leur reste à vivre, seconde après seconde. Flippant, n’est-ce pas ? Mais il est toujours possible de donner ou d’acheter du temps, voire de l’emprunter ou de le voler. Il est en tout cas devenu la seule monnaie d’échange. Un café au bistrot du coin vous coutera 4 minutes de vie, un trajet en bus 2 heures, une nouvelle voiture au moins 2 ans… Pour réaliser la transaction, un simple passage du poignet dans de petits portiques à lecture laser suffit. En un rien de temps, vous voilà débité.
Le début du film (disons les 20 premières minutes, il convient d’être précis) est très réussi. La caméra suit l’existence morne de Will Salas (Justin Timberlake), un monsieur Tout-le-monde qui, comme tous les citoyens de la masse laborieuse, vit littéralement au jour le jour, grappillant quelques heures par-ci, quelques jours par là, pour assurer sa survie. La peinture de son quotidien réserve des moments angoissants. Dans les milieux populaires, il est monnaie courante de croiser sur son chemin les cadavres des malheureux dont le compte à rebours a atteint le fatidique « 0 ». La mort en pleine rue, faute de crédit. Mais une rencontre dans un bar va bouleverser la vie de Will. Comme le révèle le synopsis ci-dessus, il sera accusé à tort de meurtre (mobile supposé : le vol de cent ans de vie). En cavale, il s’aventure hors des bas quartiers dans une nouvelle « time zone », celle des riches et richissimes qui ont virtuellement l’éternité devant eux.
Pour nous, spectateurs, les choses se gâtent dès ce deuxième acte où le réalisateur et scénariste Andrew Niccol, paresseux, se rend coupable d’un remake à peine déguisé de son excellent Bienvenue à Gattaca (1998), le film qui lui a valu la reconnaissance d’un public demandeur de science-fiction « adulte ». Comme c’était le cas dans Gattaca, qui mettait en tête d’affiche Ethan Hawke et Uma Thurman, Time Out emboîte le pas d’un couple de héros jeunes et beaux en bute contre le système, Amanda Seyfried s’installant au côté de Timberlake en interprétant Sylvia, fille oisive d’un millionnaire influent, en quête de sens à donner à sa vie. La cause de Will Salas, innocent poursuivi par un Javert en cuir noir (Cillian Murphy), arrive pour elle comme un cadeau, elle va pouvoir se rebiffer contre l’autorité de son riche papa…
Faisant une croix sur le réalisme sombre du début de film, Andrew Niccol s’attache dès lors à mettre en scène la cavale glamour des deux tourtereaux qui, fait incroyable, ne se sépareront pratiquement pas des habits de soirée portés au moment de leur rencontre. Que Timberlake puisse trotter avec un nœud pap’ est une chose, mais que Seyfried, qui apprend vite à tenir un flingue, traverse toute l’aventure en talons et petite robe prête franchement à rire. Et il faut ajouter que la relation amoureuse qui se noue entre Will et Sylvia n’est pas évidente à accepter : avant de prendre ses jambes à son cou, les flics du temps aux trousses, Timberlake aura vu mourir dans ses bras sa compagne Maya, au terme d’une scène voulue belle, intense, tragique. Impossible, ensuite, de justifier que son personnage en deuil flashe aussitôt pour une inconnue, fût-elle de la haute société…
Dommage qu’un cinéaste de talent comme Andrew Niccol cède ainsi à la facilité, après des titres aussi réussis que Bienvenue à Gattaca, donc, mais aussi Simone (avec Al Pacino) et dans un autre genre, Lord of War, avec Nicolas Cage. Histoire d’enfoncer le clou, j’avancerai avec un rien de perfidie que le scénario de Time Out lorgne même beaucoup sur celui de Freejack, une estimable série B signée par un compatriote néo-zélandais de Niccol, Geoff Murphy. Cette production de S.F. de 1992 raconte les mésaventures d’un pilote de course (joué par Emilio Estevez) kidnappé par des chasseurs de prime du futur pour le compte d’un milliardaire mourant (Anthony Hopkins). Celui-ci ambitionne de prolonger sa vie en transférant son esprit dans le corps du jeune sportif… L’histoire de Time Out emprunte à Freejack le thème de l’immortalité promise aux plus fortunés, et Niccol subtilise également un personnage, le chasseur de prime Vacendak (Mick Jagger !), qu’il transforme en policier tout aussi tenace et vêtu du même manteau noir. Si la belle gueule de Timberlake ou les gambettes d’Amanda Seyfried ne suffisent pas à vous faire prendre le chemin du cinéma, essayez donc de mettre la main sur le film de Geoff Murphy, plein d’action, de suspense, bref, contrairement à Time Out, très agréable à suivre.
Sortie dans les salles aujourd’hui, 23 novembre.