Nous voici repartis en 2195 en Amérique centrale, où humains « néo-victoriens » et zombies, désormais, cohabitent en paix, en tout cas officiellement. Des tensions demeurent, et pour certains un bon zombie est un zombie mort pour de bon. Cela n’empêche pas Nora, vivante, et Bram, cadavre, de filer une parfaite love story. Les héros amoureux du premier tome sont toujours les vedettes de cette seconde histoire, racontée par les voix d’une demi-douzaine de personnages, à tour de rôle. New Victoria, chapitre 2, déroule plusieurs fils narratifs qui, tous, s’appuient sur des faits et une période bien réelle de l’Histoire américaine, celle des États-Unis des années 1950-60 et de la lutte des Noirs pour les droits civiques. La métaphore est limpide associant les zombies, de mieux en mieux intégrés, et les Afro-Américains d’il y a 60 ans, considérés par les Blancs racistes comme des citoyens de seconde zone. Une conspiration d’aristocrates portant masque, émules du Ku Klux Klan, s’en prend nuitamment aux morts-vivants et à leurs sympathisants, tandis qu’une congrégation de zombies choisit de vivre à l’écart et de se constituer comme une force de revendication agressive vis-à-vis des vivants… Tout cela alors que le virus « Lazare », origine de l’épidémie zombie, semble avoir muté pour générer potentiellement une nouvelle vague de contamination.
La dédicace liminaire de Lia Habel est de nature a séduire une frange conséquente d’amateurs d’horreur, citant une référence pointue du cinéma d’épouvante avec morts-vivants (une allusion à une scène célèbre d’un film non moins célèbre de l’Italien Lucio Fulci). Maintenant, l’auteure suit sa propre voie et se garde bien de donner dans les débordements du gore italien des seventies. Les zombies se comportent cette fois tous comme des citoyens civilisés, les spécimens cannibales et sauvages du premier tome n’étant plus qu’un souvenir. Ce qui n’est pas sans nuire au suspense et aux frissons qu’un récit de ce genre est censé provoquer. Ce volume apparaît à vrai dire très sage et réfléchi, privilégiant le discours politique à l’aventure et aux déplacements nombreux et périlleux du premier volet (dont on peine, aussi, à retrouver les perles d’humour loufoque si savoureux). En somme, on trouve plus matière à réflexion, plongé dans cette nouvelle lecture, et sans aucun doute on s’amuse moins, d’autant qu’on est frustré par le peu de cas que Lia Habel fait de certains ressorts dramatiques, qui n’aboutissent in fine pas à grand-chose (la mutation du virus, la conspiration des masques, l’étage secret du labo de génétique…). D’où des chapitres parfois passionnants mais d’autres bien longuets qui font regretter que le bouquin s’étire jusqu’à atteindre 600 pages. Après la lecture enthousiasmante du premier tome, c’est vraiment dommage.
Paru le 20 février 2020.