On a compris depuis American Mary que les jumelles canadiennes Jen et Sylvia Soska cultivaient une fascination pour les mutations et autres modifications corporelles, et de là à dire qu’elles seraient les filles putatives de leur compatriote David Cronenberg, il n’y a qu’un petit pas qu’on n’hésitera pas, désormais, à franchir : quatrième film du duo (après Dead Hooker in a Trunk, American Mary, See No Evil 2 et le film d’action Vendetta), Rabid n’est autre que le remake du long métrage éponyme de Cronenberg (1977), dans lequel une jeune femme, Rose (jouée par Marilyn Chambers), après une opération de greffe expérimentale, devient le foyer d’une épidémie de rage.
Simple silhouette blonde — et mortifère — dans le film de Cronenberg, l’héroïne Rose est dans ce remake un personnage un peu plus étoffé. Nous sommes à Toronto, dans l’atelier d’un créateur de mode en vogue. Rose y travaille en tant que dessinatrice, elle est pleine de bonne volonté mais d’un tempérament trop timoré pour imaginer des créations flamboyantes à même de taper dans l’œil du boss, une sorte de clone de Karl Lagerfeld, prétentieux et snob. Rose porte de grandes lunettes, elle est toujours empruntée et fait peine à voir au milieu des courtisans empressés et lèche-bottes du « grand » couturier. Le destin s’en mêle : défigurée dans un accident de scooter, la pauvre est prise en main par un toubib apprenti-sorcier qui réussit à lui rendre son visage. Un miracle chirurgical qui aura un prix : en accord avec son prénom, la jolie femme mute physiquement et psychologiquement pour devenir une créature à épines, séduisante mais très dangereuse…
Le périple de la transformation est un canevas très classique dans le fantastique, et en outre le scénario de ce remake ne bénéficie pas de la plus grande rigueur d’écriture : la satire du monde de la mode sonne faux, la morale de la fable n’a rien d’évident et notons aussi que certains raccourcis sont d’une maladresse presque puérile (voir les gourdes opaques d’un mystérieux substitut alimentaire, fourni par son médecin, que Rose ingurgite au goulot sans poser de question). Cela dit les Soska, qui peuvent aujourd’hui se vanter d’avoir un bon petit fan-club, savent s’y prendre pour s’attirer la sympathie du public (averti) des films d’horreur : outre des clins d’œil multiples au cinéma de Cronenberg (Crash et Faux-Semblants, notamment), ce Rabid 2019 réserve quelques surprises trash qui marquent assez favorablement la rétine et le spectacle, sur sa longueur, pour peu qu’on n’ait pas toujours à l’idée de le comparer au célèbre et lugubre film d’origine, s’avère plaisant à suivre. Est-ce bien ce qu’il faut attendre d’un véritable film d’horreur ? Sans doute pas, mais les « twisted twins » n’ambitionnent pas de mettre vraiment quiconque mal à l’aise : les jumelles font un cinéma à l’esprit rock’n’roll, certes léger mais au final beaucoup plus défendable que les inutiles productions de série pour ados à base de jump scares qui occupent les multiplexes, La Nonne, La Dame blanche et autres Annabelle…
Rabid est sorti la semaine dernière en VOD aux USA, on peut aussi le trouver en DVD dans les îles britanniques. Aucune date de sortie française pour l’instant.