Le Joueur est un petit éditeur de jeu, aussi éditeur de JdR Mag, fruit avant tout d’un travail de passionnés. L’année dernière, il s’est lancé corps et âmes dans la publication d’un jeu grand format, Déluge. Si l’accueil critique fut correct, à défaut d’être dythiralique, l’accueil public fut quasi absent. Un manque de succès injustifié, car si Déluge n’est pas sans défaut (Voir notre critique), il révèle de nombreuses facettes passionnantes. Nous nous étions entretenu avec l’un de ses auteurs et éditeurs, l’année dernière, à ce sujet. L’occasion de redécouvrir enfin un jeu qui le mérite amplement, au sein d’un dossier écologie qui vous ouvrira, nous l’espèrons, d’intéressantes perspectives.
Khimaira : Pouvez-vous d’abord présenter Le Joueur et vous même à nos lecteurs?
Guillaume Besançon : Bonjour Khimairolecteurs,
Je m’appelle Guillaume Besançon et je suis un des auteurs du jeu Déluges. Le Joueur est le label qui édite Déluges. Le Joueur est une émanation de l’association Promenons Nous Dans les Bois. Au départ, l’association a été créée pour une série de Jeux de Rôle Grandeur Nature. Puis, nous nous sommes lancés dans Jeu de Rôle magazine. Enfin, quand j’ai voulu éditer des jeux de société avec l’association, pour ne pas mélanger cette activité avec les deux premières d’un point de vue de l’image et de la communication, on a créé ce label : Le Joueur. Pour l’instant, c’est un label naissant, nous n’avons édité que 3 jeux, avec des auteurs inconnus et des jeunes graphistes, plus pour le plaisir qu’autre chose. Ce sont des coups de cœurs, lancés sans études de marché, juste parce que les parties tests nous plaisaient vraiment. Il y a Hacker, qui est un jeu d’apéro un peu délire à base de cartes où on bouge, on triche, on bluff. Et ArtExpress, un jeu de dessin pas trop sérieux où il ne faut pas nécessairement savoir dessiner, ce que j’appelle un jeu « à fou rire ».
Khimaira : Pourquoi avoir monté une nouvelle structure? N’avez vous pas envisagé de vous adresser à des éditeurs existants ?
Guillaume Besançon : Les éditeurs n’étaient pas trop chauds pour Déluges, parce que c’est un jeu de hardcore gamers et que c’est un public assez confidentiel, limite underground parfois. Alors, comme j’éditais Jeu de Rôle magazine, je me suis dit qu’éditer un jeu ne devait pas être si compliqué. Je me suis bien trompé ! Un jeu est un objet très complexe. Mais une fois que j’avais faire le travail pour un jeu, pourquoi ne pas le faire pour d’autre ? Alors, je suis tombé sur les auteurs de Hacker et ArtExpress et leur prototype m’a vraiment amusé. Hacker, qui est un simple jeu de cartes, est sorti avant Déluges car c’est un objet plus simple à designer et fabriquer. En fait, éditer des jeux est passionnant, et j’aimerai bien passer à la vitesse pro un de ces jours.
Khimaira : Déluge est votre premier jeu ambitieux. Le pas à franchir depuis Hacker, plus simple en terme de matériel, n’a-t-il pas été trop difficile?
Guillaume Besançon : Pour ne rien vous cacher, Déluges a été très complexe à fabriquer. Il y a plus de 400 pions et presqu’autant de jetons ressources, le plateau est assez grand, il y a plusieurs niveaux de règles… Nous avons voulu faire un « Monster game » à un prix raisonnable et surtout avec une durée de jeu raisonnable, avec les moyens du bord, en étant complètement néophytes. J’ai l’impression que nous y sommes arrivés.
Khimaira : Déluge a pour thème, entre autre, les bouleversements climatiques, un sujet dans l’aire du temps. Vous vouliez apporter votre pierre aux discours écologique ?
Guillaume Besançon : Jean-François, l’autre co-auteur, et moi avons des opinions opposées sur le sujet, c’est donc un thème récurrent dans nos discutions, et ce qui revient souvent comme conclusion c’est que nous sommes en train de vivre une catastrophe écologique majeure dont on ne se relèvera pas.
Nous sommes parti d’une histoire que nous voulions raconter, celles des hommes d’avant la dernière glaciation, qui avaient probablement développé des civilisations aussi avancées que celles de l’antiquité avant de sombrer dans l’oubli. Savez-vous qu’on a retrouvé des copies de cartes antiques qui représentent avec une grande précision les terres de l’Antarctiques ? Elles présentent le Groenland sans glace, ce qui n’a pas pu arriver il y a moins de 6 000 voir 15 000 ans ! Ces cartes n’ont pu être réalisées que par des civilisations très avancées. Que sont-elles devenues ? L’histoire des grandes civilisations nous apprend qu’en général, elles disparaissent pour des raisons écologiques plus souvent que par les guerres ou la décadence. Le parallèle avec notre situation actuelle est évident.
Khimaira : Pourquoi avoir situé le jeu à une période pré-antique, mythologique dirons nous, pour un sujet plutôt moderne ?
Guillaume Besançon : C’est une période qui fascine Jean-François, qu’il a beaucoup étudié.
Khimaira : Le jeu possède un second niveau de lecture très engagé. Est-ce un objectif que vous vous êtes fixés lors de l’établissement des mécaniques ?
Guillaume Besançon : Oui, bien sûr, c’est volontaire. Nous avons voulu simuler le cycle infernal de la surpopulation et de la surexploitation des ressources.
Khimaira : Est-ce que la mécanique a précédé le thème ou le contraire ?
Guillaume Besançon : Nous sommes vraiment partis de l’histoire que nous voulions raconter. Au départ, Jean-François est venu me voir avec son histoire de civilisation pré-antique en me disant qu’il voulait en faire un jeu. Nous avons pris des bouts de papier pour faire des pions, dessiné une carte du monde et commencé à jouer en inventant des règles. Ca a donné un jeu durait 4h, avec plein de mécanismes bizarres et complexes. A chaque partie, nous épurions les règles pour ne garder que celles qui apportaient vraiment du jeu, celles qui donnaient du rythme et de la profondeur. Mais nous avons toujours gardé les règles qui étaient l’essence du jeu, celles qui parlent de civilisation et d’autodestruction.
Malgré tout, nous avions quelques idées au départ sur ce que nous voulions. Nous ne voulions pas de hasard, que les joueurs aient une position parfaitement symétrique (peu de gens voient ou même croient que la carte du monde telle que nous l’avons découpée donne des positions parfaitement équivalentes pour chaque joueur), nous voulions beaucoup d’interaction, un peu de baston mais pas que ça. Nous avons éliminé toutes les phases inutiles, ces phases où il faut manipuler des choses de façon mécanique sans vraiment jouer. Nous avons beaucoup travaillé sur le jeu simultané, c’est-à-dire des phases où tous les joueurs jouent en même temps, sans s’attendre, pour atteindre une durée de jeu plus dense et sans temps mort et qu’il y est autant de jeu en 1h30 que dans un « Monster game » façon Civilisation ou Diplomatie.
Khimaira : Pouvez vous nous donner quelques informationss sur vos prochains projets ?
Guillaume Besançon : Avec plaisir, il y a plein de choses ! L’Aventure c’est Dur est l’enfant illégitime du 1000 Bornes et de Munchkin. C’est un jeu de 110 cartes au look BD dans une ambiance médiévale fantastique, qui se sert à l’apéro. Le prototype est fini, ça devrait sortir en octobre.
Sandwich est aussi un prototype abouti. C’est un jeu de cartes qui se joue avec son estomac, pas avec sa tête. Il s’agit de composer des sandwichs avec des ingrédients classiques ou euh… bizarres. Les joueurs distribuent leurs points aux sandwichs qu’ils aiment.
Cité sera un jeu de construction et de commerce qui devrait arriver aussi en octobre – de loin le jeu que je préfère en ce moment. Enfin, Beer&Pretzels n’est pas un prototype, c’est un jeu américain, notre coup de cœur à Essen cette année que nous avons absolument voulu traduire… ce que nous avons donc fait ! Il sera édité sous le nom d’Aperitivo. Enfin, il y a Les Naufragés du Titanic, qui est un jeu de coup de pute. Vous êtes sur un radeau avec votre amour secret, votre pire ennemi, et vous devez arriver jusqu’à la terre ferme. Ah, et j’oublie la traduction d’une perle ludique, un mini-wargame qui se joue en 15 minutes : 2 de Mayo. Ca raconte l’histoire du soulèvement de Madrid contre Napoléon. Un petit bijou.
Khimaira : Et la question subsidiaire: quel jeu, non édité par vous, recommanderiez-vous en ce moment ?
Guillaume Besançon : Je ne vois pas trop de jeu récent, à part Dixit. Un bon jeu reste un bon jeu longtemps. Je suis fan de jeux à l’allemande comme Tigres & Euphrate ou Puerto Rico. Je suis près à me coucher à l’aube pour continuer à jouer aux Loups-Garous de Thiercelieux. Et je ne vous parle pas de jeux de rôle…