Contrairement à ce qu’on pourrait s’imaginer, ce roman de 1975 n’est pas à l’origine du long métrage homonyme de John Carpenter, sorti quelques années plus tard (« Big John » révéla d’autres sources d’inspiration — un film de SF des années 1950 et le spectacle d’une nappe de brouillard inquiétante lors d’une visite avec son épouse Debra Hill sur le site néolithique de Stonehenge). L’éditeur Bragelonne joue pourtant avec la similitude par le biais de cette couverture dont le visuel rappelle beaucoup l’atmosphère fantomatique du film, dans lequel des revenants tourmentent et assassinent quelques habitants d’une petite ville côtière, avançant dissimulés dans un rideau de brume verdâtre. Rien de tel dans le récit de James Herbert : nous sommes dans la campagne anglaise, dans des villages endormis par leur routine champêtre. Soudain une secousse sismique ouvre le sol, et de la faille s’échappe un gaz nauséabond dont les effets délétères se font vite ressentir. Inhalant la substance, des dizaines (et bientôt des centaines, puis des milliers…) de citoyens britanniques au-dessus de tout soupçon cèdent à des pulsions violentes ou sexuelles pires qu’animales, se retournant contre leurs voisins, leurs amis, leurs collègues dans des excès dignes d’un bon film gore peu avare en hémoglobine.
Ainsi donc les entrailles de la Perfide Albion sont puantes et toxiques, et James Herbert ne manque jamais d’imagination pour illustrer cette émoustillante idée. L’aventure qu’il raconte est celle d’un employé du Ministère de l’Environnement, que les circonstances amènent à être immunisé contre le pouvoir néfaste de l’émanation (ce qui s’avérera très utile pour les autorités, qui l’enverront en mission de reconnaissance dans plusieurs zones contaminées). Relatant avec force détails les horreurs commises, sous l’effet du gaz, par ses concitoyens, l’auteur anglais s’en donne à cœur joie, brossant de multiples portraits, tous profonds et très originaux, pour aussitôt après les faire se livrer aux pires abominations. Ses trouvailles féroces sont tantôt effrayantes ou dérangeantes, tantôt drôles et iconoclastes, et l’histoire avance sans que jamais le rythme, très alerte, ni l’intérêt ne retombent. Face à son manuscrit, Herbert a dû affronter deux écueils : le brouillard neurotoxique s’insinuant partout, que faire de la famille royale ? que faire des enfants ? La première épine est vite enlevée (les têtes couronnées sont prudemment mises en sûreté en Écosse, donc pas question qu’Elizabeth saute à la gorge de son fils Charles ou du prince Philip, pas plus qu’elle ne finit dévorée par ses corgis — mais rien ne nous empêche de l’imaginer !), en revanche la question des gamins était plus délicate à traiter, et Herbert ne s’en tire pas toujours bien sur le plan de la vraisemblance. Fog n’en demeure pas moins un excellent récit d’horreur, dont on peut considérer a posteriori l’influence sur un large de pan de l’épouvante contemporaine, car les innombrables récits d’infectés de la littérature, de la bande dessinée et du cinéma lui doivent manifestement beaucoup.
Disponible en librairie depuis le 3 juillet 2019.