« Ces enfants sont des millennials. Des hommes comme vous leur ont volé leur avenir, et ils sont prêts à vous le reprendre. » Signé par deux auteurs qui ont fait leurs armes chez Marvel, ce comics exploite un postulat sociétal surtout en vogue chez les cerveaux du marketing : en gros, si vous êtes né dans le dernier quart du vingtième siècle, vous êtes un « millennial » (on parle aussi de « génération Y ») et c’est un motif suffisant, semble-t-il, pour que vous partagiez avec les individus de votre classe d’âge les mêmes goûts, la même culture, les mêmes aspirations ou frustrations, etc. Le concept est à la fois réducteur et très urbain, comme le prouvent les portraits des trois héros « millennials » de Generation Gone : Nick, Elena et Baldwin sont des jeunes adultes qui se dépatouillent avec la crainte d’un avenir flou, malmenés qu’ils sont par une société moderne qui n’accorde aucun crédit aux talents bourgeonnants. Les trois amis sont pourtant intelligents, ils ont développé des compétences de « hackers » de première bourre. Leur grand projet : dévaliser une banque via les réseaux informatiques pour s’offrir leurs places au soleil.
Le rythme du récit est excellent, et le trait, exécuté par le Portugais André Lima Araujo, s’avère maintes fois spectaculaire, croquant avec beaucoup de dynamisme et de réalisme les émotions souvent exacerbées des personnages (il y a même pas mal de gore !). Mais Generation Gone accuse un sacré manque de nouveauté : l’histoire pioche à loisir son inspiration dans des titres antérieurs, américains ou japonais — X-Men ou Akira en bande dessinée, Chronicle au cinéma… — et, au fil des pages, le catalogue d’analogies avec ces titres qui plus est très célèbres finit par devenir gênant. Reste le fond du récit, qui scrute les pensées amères de jeunes gens en proie à un fort sentiment d’injustice. La possibilité qui s’offre à eux de prendre une revanche sur l’existence est des plus séduisantes, bien qu’elle relève d’un fantasme plutôt puéril de toute-puissance. Cette édition parue chez HiComics rassemble les cinq premiers chapitres de l’histoire, publiés tout d’abord séparément aux USA. Les ultimes pages comptent parmi les plus intéressantes et intenses du bouquin, et il ne nous reste qu’à attendre la suite, en espérant que les auteurs sauront se défaire de l’héritage encombrant de leur culture S.F. pour véritablement construire une œuvre originale.
En librairie depuis le 20 février 2019.