Tout seul et perdu dans la forêt ! Une expérience traumatisante vécue, déjà, par le petit Poucet, Hansel et Gretel et d’autres… Cette fois, la mésaventure arrive à notre ami ex-sorcier Daniel Radcliffe, alias Yossi, routard israélien en vadrouille en Bolivie. Contrairement aux héros précités, la galère du héros n’a rien d’une légende, le personnage est réel et, en 1981, après avoir noué, sur place, des contacts amicaux avec deux autres baroudeurs, le jeune gars s’est engagé dans la jungle à la recherche d’une tribu indienne. Guidé par un quatrième larron, un expat’ allemand soi-disant rompu à la vie sauvage (joué par Thomas Kretschmann), le périple connaît divers aléas, jusqu’à ce que le groupe soit contraint de se séparer. Quelques déboires plus tard, Yossi se retrouve livré à lui-même en pleine nature sauvage…
Un récit « inspiré d’une histoire vraie », donc, mais le film a quand même sa place dans nos pages de chroniques cinéma : Jungle a été tourné par l’Australien Greg McLean, qu’on a appris à connaître (et à apprécier) grâce à ses deux Wolf Creek et à Rogue (titre français Solitaire), chouette de film de crocodile mangeur d’homme avec Sam Worthington, sorti en 2007. McLean use de tous les trucs du cinéma d’horreur pour nous faire partager intensément le calvaire du héros durant ses quelques semaines passées à errer avant d’être repêché par la civilisation (je ne « divulgâche » rien, le type a même rédigé après coup un bouquin, Lost in the Jungle, dont le scénario est adapté et que tout le monde peut lire). Même si la forêt vierge filmée par McLean n’a pas grand-chose d’inextricable (la caméra a de la place pour bouger autour de Radcliffe, qui a finalement l’air de s’être perdu dans un jardin botanique ou un arboretum), l’angoisse est au rendez-vous lorsque vient rôder, une nuit, un grand félin en quête de chair fraîche, ou quand le héros s’attaque à percer un immonde bubon qui s’est mis à pousser sur son crâne. En réalité, le « very bad trip » du personnage, tournant en rond sur sa portion de jungle, s’avère surtout un périple intérieur qui, peu à peu, vire au délire mystique (la judaïté de Ghinsberg et la lutte pour la survie de sa propre famille, 40 ans plus tôt, dans les camps allemands, prennent une importance grandissante au fil du métrage). Le film est sans doute un poil trop long (près de deux heures) mais n’est donc jamais ennuyeux, porté par un Daniel Radcliffe barbu et investi à 100% dans le rôle, qui a dû faire ce qu’il fallait, côté régime, pour paraître aussi décharné que le vrai Ghinsberg au terme de sa marche forcée.
Qui a vu Jungle ? Beaucoup d’Européens, le film étant sorti ces dernières semaines sur les écrans allemands, britanniques, grecs, polonais… Les Français ne vivront pas l’aventure de Daniel/Yossi en grand format : aucune exploitation en salle n’a été prévue, le titre sortira chez nous directement en DVD et blu-ray le 18 janvier prochain, édité par AB Vidéo.