D’ordinaire, quand le remake d’une vieille série B fauchée est mis en chantier, c’est pour offrir à l’histoire un lifting conséquent, épaulé par un producteur qui va y mettre les moyens. Ce fut, entre autres, le cas pour The Thing de John Carpenter, pour La Mouche de David Cronenberg et pour… La Course à la mort de l’an 2000 (1975, avec David Carradine et Sylvester Stallone) de Roger Corman, film à l’origine du blockbuster Death Race (2008) avec Jason Statham. Et voilà que Roger Corman, figure légendaire de Hollywood, l’homme qui reçut en 2010 un Oscar d’honneur pour l’ensemble de sa carrière et tourna « cent films sans jamais perdre un centime » (titre de son autobiographie parue en 1990), a eu l’idée de superviser cette version supplémentaire. Si le film original coûta 300.000 petits dollars, pour cette nouvelle mouture, le réalisateur et coscénariste G.J. Echternkamp n’a pas dû bénéficier d’une enveloppe très supérieure. Mais cela relève aussi d’un choix artistique : pour rendre hommage aux fameux « grindhouse movies » des années 1970, Tarantino et Rodriguez ont tourné des pelloches nanties d’enveloppes confortables (Death Proof, Planète Terreur, Machete et Machette Kills). Echternkamp s’est, quant à lui, débrouillé avec un authentique budget de film d’exploitation à l’ancienne, tout simplement.
Nous voici donc dans un proche futur, de carton-pâte, certes, mais cauchemardesque. La démocratie a abdiqué face au pouvoir de l’argent, les États-Unis ne sont plus les USA mais les « United Corporations of America », une contrée dirigée par les grandes entreprises où les travailleurs humains ont été remplacés à 99% par des machines. Le citoyen lambda, décérébré, y mène une vie de légume, consacrant ses journées oisives à consommer du pain et des jeux, ou plus exactement à se gaver de hamburgers-coca en s’abrutissant devant la « death race », un jeu télé meurtrier qu’on visionne en immersion au moyen de lunettes connectées. Les concurrents sont des pilotes automobiles qui, partant de la côte Est, ont pour mission de rallier la Californie. Il ne suffit pas d’arriver le premier pour gagner, il faut aussi marquer des points en écrasant le plus de piétons ! Dit comme ça, of course, ça a l’air débile (Corman proposa sans succès un rôle à Peter Fonda dans le film de 1975, lequel qualifia le script de « ridicule au-delà des mots » !), mais c’est une des solutions trouvées par le pouvoir en place pour réguler la population, qui a tendance à pulluler depuis l’éradication du cancer !
Que cette nouvelle version soit plus ou moins réussie que le film de 1975 importe peu (on n’a pas l’obligation de juger en comparant les deux films), elle est surtout le reflet de notre époque : alors que les USA viennent d’élire président un milliardaire que les analystes politiques, un peu partout, s’affolent à qualifier de sociopathe narcissique, inculte et impulsif, la peinture d’une Amérique vouée aux divertissements violents et tout entière entre les mains des faiseurs d’argent n’est rien d’autre qu’une simple extrapolation. Death Race 2050 s’avère par conséquent irréprochable sur le fond, le film évitant même tout manichéisme en s’amusant avec une faction rebelle, des résistants au Grand Ordre capitaliste mais pas bien futés, à qui il ne faudrait pas grand-chose pour basculer du coté obscur. Le film est ainsi trempé d’un humour vachard, anarchiste, qui souvent fait mouche à condition, aussi, de savoir goûter à l’ironie un brin désespérée du spectacle.
Reste donc le problème de l’aspect visuel de la prod’, qui risque fort de rebuter les jeunes générations (en matière de S.F. au cinéma, on est tous habitués à un minimum de faste étalé sur l’écran). Il faut bien décrire les choses comme elles sont : décors, costumes, effets sont cheap au possible, jusqu’au postiche capillaire porté par ce bon vieux Malcolm McDowell, dans le rôle du « Chairman » (en gros le patron des patrons, roi des roublards, qui mène le pays et organise la course à la mort). L’Anglais a dû consentir à toucher un cachet microscopique pour être de la fête. Le film a sans doute été marrant pour lui à tourner, il surjoue la moindre réplique, comme tout le reste du casting, et rajoute donc au côté clownesque de la kermesse. Mais qu’importe les oripeaux, aux yeux d’un public averti, cette misère de surface ne suffit pas à disqualifier le film, bien au contraire : en accord avec le fond du script, les atours loqueteux du spectacle, son humour grimaçant et outrancier s’avèrent une ultime manière de cracher à la gueule du politiquement correct et des films mainstream aux budgets pharaoniques. À 91 ans le mois prochain, Mr Corman, vieille canaille, pouvait bien se permettre ce petit luxe !
Film disponible en DVD depuis le 1er février 2017 (Universal).