Résumé :
Enfant non désirée, Anna Marie Caravelle va être élevée clandestinement par Monique Bonneuil, sa voisine.
Alors qu’elle a dix ans, la vieille dame, propriétaire du chien Poupoune, emmène la petite fille voir sa mère.
Cette entrevue va, sans conteste, profondément l’affecter et les événements qui vont s’ensuivre vont amener Anna Marie, rebaptisée « Elise Cara », une décennie plus tard au pied du Parthénon où commence ce récit à reculons.
Notre avis :
La publication en édition de poche chez Milady de « Un sac » de Solène Bakowski est intéressante à plusieurs titres.
Force est de constater que la collection Bragelonne Milady Thriller, sous la direction de Lilas Seewald, s’est développée, en revenant aux sources du genre du thriller (to thrill – frissonner), proposant des romans dans des styles très différents de ceux où le genre est souvent cantonné chez d’autres éditeurs.
La mode étant au « roman noir », il n’est pas étonnant de voir des œuvres où le suspense est omniprésent venir étoffer un catalogue déjà fort varié : cela est sans aucun doute une bonne chose puisque ce sont des auteurs peu connus, et de l’auto édition, qui en bénéficient.
Après Fabio M. Mitchelli (La compassion du diable), Armelle Carbonel (Criminal Loft), Nicolas Jaillet (La maison), Olivier Bordaçarre (la France tranquille), la liste est non exhaustive, c’est au tour de Solène Bakowski d’en profiter !
Auteure parisienne trentenaire à la trajectoire éditoriale tortueuse, elle voit après des mésaventures dans le milieu, « Un sac » (en réalité son second roman) remporter, en 2015, le prix spécial du jury d’Amazon (prix de l’autoédition), dont elle a utilisé la plateforme (Kindle Direct Publishing (KDP)) pour faire connaître le roman au format numérique. Succès dont découle aujourd’hui sa parution chez Milady.
En réalité, il est assez difficile de classifier « Un sac ». Cette question parait finalement de peu d’intérêt compte tenu de ses qualités intrinsèques : on se félicitera, tout simplement, de l’initiative de Milady (maison d’édition incontournable dans le milieu de l’imaginaire) de nous faire découvrir dans ce format cette histoire qui nous amène à nous en remémorer d’autres ; et parfois même des intrigues de romans que Gallimard publierai dans sa collection blanche.
A un certain niveau, le livre de Solène Bakowski rappelle « Les noces Barbares » (Prix Goncourt 1985), en effet tout comme Ludovic, le héros de Yann Queffelec, Anna –Marie doit faire face à une mère pleine de ressentiment à son égard. Le rejet dont elle fait l’objet va déterminer sa vie future. Par ailleurs Les deux enfants sont roux et vont croiser sur leurs trajectoires de nombreux marginaux (personnes âgées, SDF, prostituées), le devenant eux-mêmes.
Roman social violent qui ne ménage pas son héroïne, « Un sac » s’étoffe de poésie (notamment dans sa description de Paris) et d’imaginaire, et c’est sans aucun doute une autre de ses caractéristiques.
Là, on pense plus aux contes noirs de Neil Gaiman tel « Coraline », qui nous laisse ancrés dans le réel.
Enfermée dans l’appartement qui l’a vue naître, Anna-Marie noue une relation particulière avec l’horloge du logement, de même avec le miroir qui lui renvoi le reflet de son visage déformé : ce dernier s’enlaidit lorsqu’elle commet des actions réprouvées par la morale.
Des scènes en appelant au lyrisme qui trouvent un pendant dans la mise en scène de la folie d’Anna-Marie qui prend son envol.
Au fil des pages, la jeune femme va se voir adjoindre de nombreux fantômes symbolisant sa folie, celle qui parfois la saisit lorsqu’elle se retrouve face au désamour, et à sa culpabilité.
On se rapproche alors du fantastique, mais dans ce que le genre à de classique car Solène Bakowski, autrefois enseignante, ne manque pas de style dans l’écriture.
La construction, la forme de son texte se remarque là aussi du genre de la collection où elle est éditée. Pas de volonté de nous faire tourner fébrilement les pages en usant de recettes éculées mais efficaces. Le résultat étant sans aucun doute que l’on s’immerge véritablement dans cet univers et qu’il nous rend le livre unique et surtout mémorable.
Difficile de ne pas être touché par le récit d’Anna-Marie dont l’anticipation de ses désillusions nous oppresse.
De nombreuses qualités qui vont oublier les quelques défauts de « Un sac » (le plus gros reproche étant le suspens autour du contenant de l’objet qui donne son titre au roman), et laisse deviner le potentiel de son auteure qui assurément est une valeur à suivre.
Il nous reste encore le plaisir de découvrir les deux autres romans de Solène Bakowski, « Parfois on tombe » et « Chaines » (disponible en numérique sur la plateforme déjà citée), et à espérer que les éditions Milady et Bragelonne ont encore d’autres auteurs de la même cuvée à nous faire découvrir : souhaitons que ceux qu’elles ont déjà publié auront la carrière qu’ils méritent chez eux ou ailleurs.