Trois cochons maîtres d’une ville dans le Far Ouest… Une jeune fille rousse au foulard rouge rendant visite à sa granny… La maîtresse du barman Seguin poursuivie par une bande de loups pistoleros…et Pierre le trappeur accusé de meurtre. Cela ne vous rappelle-t-il rien ? Et oui quatre contes que vous avez dû croiser il y a des années rassemblés dans une très chouette histoire de western par Damien Marie et Damien Vanderstraeten. Une occasion, pour les amateurs de contes que nous sommes, de rencontrer les deux auteurs pour leur poser quelques questions…
Khimaira: Règlement de Contes est avant tout un western. Ce genre revient en force dans la BD ces dernières années. Une explication personnelle à ce renouveau ?
Damien Marie: Pas vraiment… Si ce n’est le fait qu’il avait un peu disparu des bacs… Comme c’est une genre à part entière, il revient cycliquement…
Damien Vanderstraeten: Un renouveau? Oui… Disons qu’on le remarque parce que d’autres « grands » auteurs ont abordé le genre, en dehors de Giraud, récemment… (Van Hamme/Rosinsky, Jodorowsky/Boucq…) mais c’est un genre qui dure et qui s’aborde de manières très différentes au fil du temps: de Blueberry aux Tuniques Bleues, de Adios Palomita à Outlaw, la liste est longue… Réaliste ou humoristique, caricatural ou fantastique… le western c’est l’aventure, la découverte de terres nouvelles, l’exploration, la loi du plus fort, le danger… (le sentiment de liberté, que tout est possible?) dans l’imaginaire de chacun. Il y a de quoi faire dans cet univers!
K: D’où vous vient cet intérêt pour les contes?
DM: Ils permettent d’appréhender l’histoire d’un œil particulier. Tout d’abord, les contes mêlent Animaux et humains sans se justifier… Et puis les personnages ont déjà leurs histoires originelles en « bagage », c’est amusant de démarrer une histoire avec des personnages qui ont plusieurs centaines d’années…
K: L’idée d’origine était de réaliser un film d’animation. Comment passe-t-on de ce concept à celui d’une bande dessinée? Vous avez dû adapter votre idée? Aviez-vous déjà commencé le projet de film d’animation?
DM: Non le projet de film d’animation est mort dans l’œuf, nos contacts dans ce milieu se sont avérés « financièrement » trop limité … La transcription du projet animation à un format BD a été un gros travail… Je n’ai gardé que la ligne directrice qu’on avait établi, j’ai reconstruit découpé et conçu une version qui corresponde aux impératifs du 9ème art.
K: Si quatre contes sont à la base de votre histoire, ils se mélangent plus au niveau des personnages qu’au niveau des histoires d’origine. A part quelques clins d’oeil (le Maire cochon et sa « maison de briques », etc.), vous avez opté pour une histoire personnelle, non?
DM: Le but n’était pas de répéter, mais plutôt de rapporter ces personnages dans une nouvelle situation, les confronter à leur bas instinct… Trouver une autre morale, mois manichéenne… Ce qui nous a motivé à choisir ces 4 contes, c’est le « méchant » commun: le loup… On s’est ensuite posé la question: Et si le grand méchant apprenait à aimer et désirait changer… Est-ce qu’il aurait la possibilité de le faire?…
DV: Oui, car l’intérêt aurait été limité de « re-conter » les mêmes histoires, en remplaçant juste les décors… Il est plus intéressant de reprendre des personnages marquants et marqués, et de leur faire vivre autre chose, leurs passés et leur nature même ayant toujours une incidence sur leurs rapports… une réflexion sur la fatalité peut être?
K: On note que les animaux issus des contes sont plutôt méchants alors que Pierre (Pierre et le loup), et Scarlett (le petit Chaperon Rouge) sont du bon côté. Les animaux seraient-ils tous des bêtes malfaisantes?
DM: Le tome 2 vous le dira… Qui est gentil, qui est méchant, le terrain va devenir de plus en plus glissant.
DV: Dans les contes, les « méchants » sont toujours victimes de leur animalité, de leurs instincts… même s’ils agissent souvent et s’expriment comme les hommes, ils ont les mêmes travers (de porc, évidemment)… Ceux qui sont maltraités par les histoires sont ceux dont les hommes ont eu peur pendant longtemps, car plus forts… alors ils ont développé la peur, la haine et la méfiance de ces animaux, c’est une façon de les combattre… Mais ils ne sont pas forcément plus méchants!
K: Les loups s’ils se présentent de manière fort humanisée restent pourtant carnivores. Pourquoi avoir conservé cette particularité? Pour marquer le côté bestial des loups?
DM: Tous les personnages garde une identité propre à leur espèce, ça nous permet d’aborder des thèmes sur la différence… Dans les contes, le loup a toujours été mis en avant pour son côté carnivore, je pense …
DV: Exactement. C’est leur nature, ça ne se change pas! Mais cette nature n’a rien de mauvaise en soit! Elle a le malheur de déplaire aux hommes, c’est tout…
K: Quelles ont été les recherches pour la représentation graphique des personnages-animaux? Qu’est-ce que vous avez voulu faire transparaître au travers du dessin dans ces personnages? Je pense particulièrement aux trois cochons qui s’écartent très fort de leur représentation dans le conte.
DM: Dans le conte original, on peut voir les trois cochons comme des colons qui s’approprient de nouvelles terres, non? ça n’en fait pas particulièrement des personnes très recommandables, il est évident que si l’histoire se continuait, ils bâtiraient encore et encore… Le deuxième cycle de Règlement de Contes en dira plus sur l’origine de PigTown et pourquoi les cochons y sont si influents.
DV: Les cochons ont une position particulière: ils ont été dominés par les hommes, ils ont vécu avec les hommes, et nous savons bien qu’en chaque homme il y a un cochon qui sommeille! (rires) Ils ont compris qu’ils devaient s’adapter, en s’humanisant, pour se faire accepter non plus comme des bêtes… histoire de mimétisme pour leur survie.
K: Originalité de votre collaboration, le scénariste est également le coloriste…
DM: Original et surtout très pratique, nous avons tous les deux un échange continu sur nos interprétations du travail de l’autre… ça n’a pas finit de se mélanger d’ailleurs, nous réaliserons ensemble les couleurs du Tome 2, dès le mois prochain!!
K: Pour terminer, dans tout conte il y a une morale. Y aura-t-il ce genre de final à la fin du second tome?
DM: Oui il y aura une morale, une morale à notre façon … implicite, que le lecteur déterminera plus qu’il ne la lira…
DV: Ah, la morale… on lui réglera effectivement son compte dans le tome deux!