À l’occasion de la sortie de leurs deux derniers romans, Khimaira a rencontré un duo prolixe mais inaccoutumé en littérature. Oksana et Gil Prou ont acceptés de répondre à quelques questions pour notre site.
Khimaira: Vous formez tous les deux un duo d’écrivains vraiment atypique. Vos parcours personnels semblent très éloignés, pour ne pas dire antipodistes. Quel est le concours de circonstances qui a permis d’engendrer cette fructueuse collaboration?
Oksana: Nous nous sommes rencontrés par le biais d’un ami commun. À cette époque, j’étais sous contrat d’exclusivité. Gil m’a présenté des synopsis. J’avais aussi quelques textes, mais pour des magazines spécialisés. C’était donc un énorme défi que de mélanger les genres et me lancer dans cette aventure littéraire. En discutant ensemble, ça ne nous a pas semblé si idiot que ça. C’était une nouvelle manière de lutter contre certains clichés, de revendiquer des idées et de repousser les limites ou les connivences entre un monde «sexuel» et «intellectuel», mais aussi entre «l’imaginaire» et le «réel».
Gil: Nous nous sommes rencontrés de manière très fortuite et avons immédiatement réalisé que nous partagions de nombreux centres d’intérêt en dépit de nos évidentes différences de vie. Oksana a poursuivi des études supérieures en mathématiques et s’intéresse beaucoup à l’Égypte antique. Alors que j’ai poursuivi des études supérieures en Egyptologie et que je me passionne pour certaines disciplines scientifiques: astrophysique, paléontologie, climatologie. Dans ce contexte mêlant rapprochement de nos goûts et totale différenciation entre nos modes de vie, une star du X et un amateur de philosophie néoplatonicienne ne pouvaient que bien s’entendre et travailler ensemble. C’est fait! Et depuis bientôt 9 ans…
K: Quelles sont vos techniques d’écriture «à quatre mains»? Partagez-vous les différentes parties d’un texte (descriptions, dialogue) ou travaillez-vous chacun de votre côté sur des parties ou des chapitres complets? Faites-vous des séances de «brainstorming» pour développer une histoire et ses rebondissements?
O: Parfois des idées qui pourraient sembler lointaines ont tout de même un lien. Les discussions les plus banales peuvent servir de tremplin à de nouveaux textes. Gil est comme une encyclopédie vivante. Et, surtout, il s’intéresse à tout.
G: Les séances de brainstorming sont nombreuses, soit lorsque nous nous rencontrons à l’occasion d’un salon ou via Skype. Puis nous retravaillons nos esquisses par échanges de mails. Cela prend parfois pas mal de temps, mais le résultat est plus riche; plus dense.
K: De l’anticipation à la science-fiction, en passant par la philosophie (voire la psychologie), le fantastique et la fantasy, vos différents romans paraissaient toujours être «là où l’on ne vous y attend pas». Est-ce dû au fait que vous êtes deux, et donc que vous doublez votre capacité imaginative? Est-ce un choix délibéré ou vous contentez-vous d’écrire selon votre inspiration du moment?
O: Le plaisir d’imaginer des univers est une source inépuisable. La vision de l’autre est forcément bénéfique. Il faut pouvoir aller au bout des choses et l’échange permanent d’idées entre deux auteurs est toujours fécond. Nos romans se situent effectivement au sein d’univers très différents entre eux: SF, thriller écologique, Fantasy historique, fantastique ou –comme c’est le cas avec notre dernier roman: L’outre-blanc qui vient de paraître aux Éditions Fleur Sauvage– un OVNI littéraire dont l’intrigue se déroule dans le cerveau d’un otage qui vient d’être décapité…
G: Nous écrivons au rythme de notre imagination et de nos envies. Comme notre imagination est exubérante et que nous n’imposons aucune limite à nos envies, cette liberté explique la très grande diversité de nos sources d’inspiration. Naturellement, le fait d’avoir deux cerveaux et quatre mains amplifie cette capacité d’être, comme vous le dites, là où on ne nous attend pas…
K: Vos livres sont très documentés. Faites-vous beaucoup de recherches avant et durant la phase d’écriture de vos romans? Est-ce une condition incontournable pour vous?
O: Un peu comme le ferait un peintre qui a une image en tête. Il commence par faire une esquisse. Puis il regarde comment ça se passe dans la réalité. Ensuite il précise, il façonne. Pour décrire l’imaginaire, il faut trouver l’élément crédible.
G: Faire des recherches et documenter nos romans nous semblent être la preuve minimum du respect que tout auteur doit avoir vis-à-vis de ses lecteurs. Une information mise en lumière dans un récit doit être expliquée. Ceci est encore plus important lorsque l’intrigue se situe dans le monde de l’imaginaire.
K: Vos romans compriment, dilatent ou écartèlent souvent le temps. Une fascination d’auteurs?
O: Depuis Einstein, on sait que le temps est la quatrième dimension de l’espace au sein du continuum espace-temps. Comme cet ensemble est lié, toute déformation dans l’espace entraîne de profondes conséquences sur le temps. Nous aimons jouer avec ces paradoxes. Par ailleurs, chacun connaît la différence existant entre le temps réel et le temps ressenti. Tout ceci est source d’inspiration pour nous.
G: La vitesse dilate le temps alors qu’une extrême gravité le ralentit. Le phénomène est presque hallucinant au cœur d’un trou noir ou lorsqu’un nouvel univers naît au sein du «multivers». Ces bizarreries de l’espace-temps nous offrent donc une matière idéale lorsque nous forgeons les intrigues de nos futurs romans. Un grand merci à Einstein et à la gravitation quantique!
K: Un roman égale un éditeur? Est-ce une volonté de votre part de changer ainsi régulièrement de partenaire(s) littéraire(s)? Votre grande variété de styles de romans vous contraint-elle à ces changements réguliers? Ou est-ce simplement les aléas de la vie d’un écrivain?
O: Il y a plusieurs raisons. Disons que ça fait partie de l’aventure et que cela nous incite à ne jamais nous laisser enfermer dans une logique répétitive qui ne convient guère à nos tempéraments respectifs.
G: Nos romans étant très différents, nous nous efforçons d’être publiés chez un éditeur qui soit en phase avec ce que nous écrivons. Des romans de SF comme Zalmoxis ou Cathédrales de brume ne pouvaient pas être édités chez l’éditeur de Un matin différent qui est un roman d’amour qui se déroule le 11 Septembre 2001 à New York et qui respecte totalement la règle des trois unités d’action, de temps et de lieu chère à la dramaturgie classique. Dans le même ordre d’idée, Les métamorphoses d’Éros –un essai consacré au rôle indispensable des femmes dans un XXIe siècle voué apparemment à toutes les calamités possibles et imaginables– ne pouvait pas paraître chez l’éditeur de La crypte des fantasmes qui est un thriller fantastique sur fond de vengeance vieille de plus d’un siècle…
K: Votre dernier roman publié, L’outre-blanc, dispose d’une bande son dédiée. Une première! Comment vous est venue cette idée et pourquoi? Qu’en pensent les lecteurs? D’autres titres auront-ils la chance d’être ainsi «sonorisés»?
O: La musique est une manière d’être transporté ailleurs tout comme on peut l’être avec la littérature.
G: Cette connivence littérature-musique n’est pas nouvelle pour nous car notre premier roman: Cathédrales de brume fut accompagné d’un disque réalisé par le groupe Dawn & Dusk Entwined. Unir un roman et un disque sur un même thème et au gré d’une même intrigue nous semble être une source d’enrichissement. Nos lecteurs semblent apprécier ce rapprochement entre le monde de l’imaginaire et la musique.
K: Vous semblez arpenter la France au gré des nombreux salons du livre et autres séances de dédicaces auxquelles vous participez. Vous reste-t-il du temps pour écrire ou vos romans sont-ils écris depuis longtemps, déjà?
O: En effet, il faut de l’organisation et optimiser notre temps.
G: Oui! Dans le cas de nos trois derniers romans c’est un peu le hasard du calendrier qui précipita les parutions. Normalement, nous écrivons un roman par an. Nous travaillons actuellement à la suite de Zalmoxis qui s’appellera Nyx et Thanatos.
K: Quels seront vos prochains salons planifiés?
Oet G: Le 8 Octobre: Les Halliennales à Hallennez-lez-Habourdin (près de Lille). Puis les 13eme Rencontres de l’Imaginaire de Sèvres le 26 Novembre.
K: Avez-vous une question que l’on ne vous a jamais posée, mais à laquelle vous aimeriez répondre, malgré tout?
O: Cela gâcherait mon plaisir de poser la question pour y répondre moi-même.
G: Aimeriez-vous être biologiquement immortel comme certaines méduses du genre Turritopsis? Auquel cas je répondrai: «oui»…
K: Le mot de la fin pour nos lecteurs, peut-être?
O: Merci d’avoir pris un peu de temps pour nous lire. J’espère que nos réponses à cette interview vous intéresseront et que nos romans ne vous laisseront pas indifférents. Bonnes lectures diverses et variées et bonne continuation au site Khimaira.
G: Nous travaillons ensemble depuis plus de huit ans et chaque jour nous confirme cette remarque toute simple: nos différences nous enrichissent. Dans la préface que Bernard Werber a gentiment écrite pour L’outre-blanc avec Jean-Claude Dunyach, il précise: un roman est un baptême. Une initiation. L’intérêt de la promenade, au-delà d’être surpris, c’est qu’on en ressort transformé. Celui qui dormait a appris à rêver. Celui qui ne savait rien a appris la forêt. Et il pourra se lancer avec confiance dans la traversée de forêts plus sombres, plus dangereuses. C’est ça, l’initiation par le livre. Et c’est un vrai bonheur, pour nous autres écrivains, de faire naître des forêts. Autant que de les parcourir avec nos lecteurs…
Il est évident que si la lecture de nos romans permet à certains lecteurs de découvrir d’autres forêts et d’ouvrir des portes nouvelles, nous serons pleinement satisfaits…
K: Merci de votre participation.
Les internautes désireux d’en connaître plus sur ce duo d’écrivains sont invités à parcourir leur blog et à lire les chroniques de Katharsis, de Zalmoxis, et de L’outre-blanc sur notre site.