Un couple de lesbiennes cannibales finissent par se bouffer le nez, une ogresse avide de tendrons tombe sur une pépette avec du répondant, deux sœurs font la peau de leur papa incestueux (et zoophile !) et s’en vont découvrir le vaste monde… Attention, c’est chaud ! Il ne faut pas avoir l’estomac délicat pour savourer les petits plats préparés par Thierry Paya, qui sévit du côté de la Moselle avec son gang de comédiens et techniciens. La joyeuse bande trace d’un bout à l’autre de la Lorraine avec de gros sabots pour mettre en boîte des sales blagues qui pourraient faire se délecter tout le staff d’Hara-Kiri et procurer d’ultimes spasmes de rigolade au cadavre du Professeur Choron.
Ouvert 24/7 est donc un film à sketches, ou plutôt une mini-anthologie de courts métrages (ont-ils vraiment été conçus comme les trois segments d’un tout ?) reliés par un fil conducteur qui vaut ce qu’il vaut — au comptoir d’un relais routier, « ouvert 24/7 », chacun y va de sa petite histoire dégueulasse devant une platée de choucroute. La patronne n’est pas en reste, elle imagine un pot-pourri des contes et légendes de notre enfance avec son histoire d’ogresse moderne où l’on croise les sept nains, un Prince charmant débile et un chasseur de vampires bedonnant en marcel taché. Les dialogues de ce Règlement de contes font se taper sur les cuisses, l’héroïne, interprétée Marie-Pierre Vincent (photo ci-dessous), crachant des invectives pas piquées des vers à tout le reste du casting. On comprend qu’elle en veut à la terre entière, qu’elle a dû subir des « trucs bien dégueus » pour en arriver là. Du coup, eh bien, les contes de fée, le Prince charmant, elle n’y croit plus, et elle mange les gosses !
Les deux vedettes de Question de goût vivent une parfaite love story, ou presque ! En fait, Élodie et sa copine Delphine entretiennent une vraie relation sado-maso, la première ayant fait de l’autre son esclave. Élodie va bosser chaque jour en tailleur d’executive woman tandis que sa douce vit entre quatre murs et se dépatouille avec toutes les tâches ménagères. Les amoureuses sont soudées par un secret inavouable : elles sont cannibales et se font un régal de tout le cheptel de mâles qu’elles trouvent en ville ! « Tu es à croquer, toi, je te prendrais bien tout entier dans la bouche », susurre Élo à sa dernière conquête, un binoclard levé au parc. Derrière le canapé, Delphine attend équipée d’un hachoir…
La fin de banquet est assurée par le germanophone Wenn’se in’d Stadt Komme, dans lequel deux sœurs, recluses dans une ferme et ne parlant qu’allemand, en ont ras-le-bol d’être troussées par leur dégénéré de père. Après s’être débarrassé du géniteur, les voilà parties pour la ville, où elles espèrent voir en spectacle Marina Moon, chanteuse de revue musicale qui représente à leurs yeux candides un idéal de beauté. Mais tout n’est pas rose dans la grande cité : sans le sou, vêtues de guenilles, elles se retrouvent sous la coupe d’une tapineuse qui leur explique comment « ferrer des gros poissons » et gagner de quoi aller voir leur idole. Les premiers euros sortiront de la soutane de monsieur le curé !
Thierry Paya tire sur tout ce qui bouge — les flics, les beaufs, les coincés, les dragueurs minables, les petits employés mesquins et le bas clergé ! Le réalisateur ose à peu près tout, jusqu’à shooter des plans qu’on n’a franchement pas l’habitude de voir dans le cinéma français (voir la conclusion de la scène de lit entre les deux nanas de Question de goût). Le comble du culot ? A l’heure des campagnes de pub exhortant les parents à éloigner les petites têtes blondes des scènes de violence à l’écran, Paya se paye le luxe d’enrôler toute une ribambelle de mioches pour prendre part à ses horreurs ! Dans Règlement de contes, la pauvre petite Chloé écope ainsi d’une lecture revisitée façon hardcore de son conte de fée préféré, tandis que Mathilde, à peine dix ans, souligne avec justesse qu’à neuf mois de terme, les foetus sont « tendres comme tout » !
Il est juste un peu dommage que, tout à ses délires, Thierry Paya n’ait pas jugé bon d’apporter à ses films sinon une chute, tout du moins une conclusion digne de ce nom. Chaque segment s’achève en queue de poisson, laissant le destin des personnages en suspens. Un peu frustrant, mais, heureusement, le cinéaste a eu la bonne idée de donner le mot de la fin au patron du relais routier, joué par… Lloyd Kaufman, le boss — toujours aussi francophile — de Troma Films ! Le bonhomme fait un petit show face caméra en réinventant les origines de sa société de production. Evidemment, c’est un petit plaisir pour les initiés, mais j’encourage tous les visiteurs de Khimaira qui auraient quelques lacunes à se plonger sans plus tarder dans le visionnage de Toxic Avenger, Terror Firmer et autre Tromeo et Juliet…
Dvd disponible depuis le 28 octobre 2010 (Le Chat qui fume).
Image : 1.85, 16/9 compatible 4/3
Son : non précisé.
Durée : 100′.
Suppléments : un making of pour chaque court métrage et pour le fil conducteur (soit 1h30 de reportage !), un making of spécial « effets spéciaux », des interviews du réalisateur et de la comédienne Maud Galet-Lalande, et un quatrième court, Jogging, l’histoire « d’une nana qui court et qui tombe ».