Habitué aux univers enchanteurs et féériques de la terre du milieu et des contes de fées, le groupe russe Caprice engage avec son nouvel album Masquerade une douloureuse rétrospection sur son histoire, celle de la Russie et de ses poètes. Caprice a choisi de mettre en musique les textes de 6 poètes de l’Age d’Argent de la littérature russe, une période qui couvre les premières décennies du 20ème siècle et qui fut difficile pour les milieux intellectuels. Sur les 6 poètes à l’honneur, un seul a survécu à la folie du régime de Lénine puis de Staline. Poème russe oblige, ces nouvelles chansons sont toutes interprétées en russe, Caprice renouant ainsi avec une langue que le groupe avait abandonné depuis son premier album Mirror.
En revanche musicalement, Masquerade poursuit le virage amorcé par Kywitt ! Kywitt ! qui avait introduit de nouveaux instruments (guitare, basse, batterie) même si l’ambiance est ici nettement moins psychédélique que son prédécesseur. Elle serait même plus sombre et l’incorporation de chœurs orthodoxes permet de souligner tantôt la grandiloquence (« Reality ») tantôt la désolation des âges obscurs.
Œuvre colossale en 2 parties distinctes (16 titres au total), le groupe aborde dans une première partie la pure joie de la création qui a exalté tant d’écrivains et poètes russes. Le bonheur transparaît dans ces 8 premiers morceaux (« Venice »). La seconde partie se fera plus sombre et nous rappellera la tristesse et les ténèbres qui régnaient sur cette période. Un vent de désolation et de mélancolie souffle sur nos poètes (« The master’s shadow ») et la violence du régime se fait ressentir sur l’oppressant instrumental « Unmasked » où les violentes percussions finales résonnent pour couvrir les cris étouffés de tout un peuple.
Même si Masquerade peut s’avérer déroutant lorsque de sa première audition, une écoute répétée permettra de mieux appréhender la subtilité d’une œuvre riche et intense qui, par les lumières du passé, peut éclairer les aspirations démocratiques de notre présent.