Quatre mois après Gravity, voici Europa Report, nouvelle tentative, un peu plus modeste mais surtout moins aboutie, de S.F. « réaliste », qui nous arrive directement en DVD. Le film prend la forme d’un « docu-drama » dans lequel un équipage d’astronautes part loin, très loin dans notre système solaire, jusqu’à Europe, une des lunes de Jupiter. La NASA suppute la présence d’eau à l’état liquide, et donc de vie, sous la croûte glacée du satellite. Les six membres d’Europa One arriveront-ils à destination ? Que trouveront-ils sur place ?
Les aléas de la vie à bord sont entrecoupés d’interventions sur le plancher des vaches des astrophysiciens responsables de la mission, filmés face caméra ou lors de conférences de presse. À bord, la vie des aventuriers nous est retransmise via la vidéo embarquée. Le réalisateur Sebastián Cordero, le scénariste Philip Gelatt se sont donné du mal pour apporter une apparence de vérité à l’expédition. Comme il y a quelques années Sunshine de Danny Boyle, Europa Report parvient à rendre prégnant l’éloignement, des milliards de kilomètres séparant la navette de son point de départ. Scénario et dialogues ne nous submergent pas de détails techniques, juste ce qu’il faut, et les séquences sur la surface d’Europe sont très belles, même si le décor se résume à pas grand chose (quelques mètres carrés de surface glacée, le ciel étoilé et le globe orangé de la géante Jupiter à l’arrière-plan).
Malgré tout, le souci de véracité n’a pas empêché l’équipe du film de commettre deux, trois impairs qui remettent sérieusement en cause la vraisemblance de cette odyssée. Comme l’explique le dialogue, l’expédition vers Jupiter est la seconde étape de la conquête de l’espace après… la lune ! Eh oui, l’humanité ne passerait donc pas par la case Mars avant d’aller voir — beaucoup — plus loin, ce qui n’est pas très recevable. À bord de la capsule, les conditions de vie obéissent à des règles physiques aléatoires, les personnages flottent en apesanteur dans certaines parties de la navette et, dans d’autres, marchent les deux pieds bien rivés au sol. Enfin et surtout, le film passe outre tout réalisme psychologique : le voyage aller et retour vers Jupiter implique de passer des années dans la navette (lorsque l’équipage arrive à destination, ils sont à bord depuis presque deux ans !), une véritable incarcération qui, forcément, doit mettre à mal la résistance nerveuse de tout le personnel. Or, les astronautes ne ressentent à l’image aucun effet négatif de la promiscuité, à se demander s’ils ne seraient pas des bipèdes artificiels — comme Ash et Bishop dans Alien(s) — plutôt que des êtres humains. De même, l’absence de parité à bord est injustifiable, et il est impossible d’accepter l’idée que deux femmes consentent à se laisser claustrer dans un cercueil de tôle avec quatre bonshommes des années durant, ou que des séances de pédalage sur vélo d’appartement suffisent à évacuer les tensions sexuelles. Les auteurs du film n’ont-ils pas une seule seconde envisagé cet aspect de leur histoire ? Ou ont-ils délibérément choisi de l’ignorer ? Pour le spectateur, aucune des deux options n’est satisfaisante, et même si les péripéties qui attendent l’équipage une fois à bon port suffisent à nous détourner de ces questions, on est bien obligé de prendre (ou laisser) Europa Report pour ce qu’il est, soit un bon petit suspense spatial qui fait mine de nous transporter une heure et demie durant dans le vide glacé de notre système solaire.
Sortie en DVD et blu-ray le 24 janvier 2014 (Metropolitan).