L’histoire, on la connaît : l’Anglais Jonathan Harker arrive en Transylvanie pour y rencontrer le Comte Dracula, qui s’est pour un temps attaché ses services. Mais l’aristocrate se moque des compétences de son employé, c’est un vampire qui poursuit un sombre dessein : faire venir à lui Mina, la femme de Jonathan, en qui il reconnaît son épouse décédée des centaines d’années plus tôt…

On dirait que Dario Argento a souhaité tirer profit des personnages de Bram Stoker pour renouer avec le style des productions Hammer Films des années 1960, ou plutôt de certaines œuvres italiennes de la même époque, se déroulant dans un cadre campagnard. On songe aux films de Riccardo Freda, à ceux de Mario Bava (Le Masque du démon, bien sûr, mais aussi Opération Peur ou encore Les Wurdalak, le dernier segment du film à sketches Les Trois Visages de la peur). Mais pas une scène de ce Dracula « argentien » ne soutient la comparaison avec les titres de l’âge d’or de l’horreur transalpine. Le film, qui n’ambitionne donc pas de donner dans l’inédit, avance doucement au gré d’un scénario linéaire où Argento s’est autorisé deux ou trois libertés avec le récit d’origine. Au contraire du roman, l’histoire se déroule entièrement en Transylvanie, et Lucy, l’amie de Mina, est ici la fille du maire du village dominé par le château de l’horrible comte. La jeune femme (qui, comme on le sait, sera mordue par le vampire) est interprétée par Asia. C’est la cinquième fois que la fille de Dario (depuis Trauma en 1993) tourne pour son père. Elle se contente ici d’un second rôle pas franchement exigeant et donne la réplique à Marta Gastini, vue dans la série Borgia et dans Le Rite, au côté d’Anthony Hopkins. Gastini se montre très convaincante dans le rôle de Mina, ce bien que le scénario refuse d’accorder à son personnage la dimension sulfureuse qui était la sienne dans la célèbre version de Coppola. Chez Francis Ford, la sage Mina s’émancipait et connaissait l’extase dans les bras du comte, elle s’égare ici le temps d’un baiser bien sage volé par Thomas Krestschmann, pas séduisant pour deux sous en Dracula, rigide, droit comme un I. Rutger Hauer entre en scène en milieu de métrage dans le rôle d’Abraham van Helsing, le chasseur de vampires. C’est terrible à dire, mais son visage las s’accorde très bien avec le caractère poussiéreux du film, anti-sexy au possible (malgré les poitrines dénudées de Miriam Giovanelli et d’Asia) et qui transpire la misère jusque dans ses effets spéciaux, catastrophiques, d’un point de vue qualitatif autant qu’artistique. Le vampire vaincu et passé des ultimes répliques d’une gaucherie invraisemblable, le film se conclut par un pseudo-rock symphonique (concocté par Claudio Simonetti) dont le titre aberrant — « Kiss Me Dracula » ! — en dit long sur le degré d’inspiration modeste de la production. À son corps défendant, Argento conclut avec Dracula une espèce de trilogie de la laideur entamée avec La Troisième Mère en 2007 et poursuivie avec Giallo (2009). Y aura-t-il une suite à la carrière autrefois faste de l’auteur de Suspiria, Inferno et Profondo rosso ?

Sortie dans les salles le 27 novembre 2013.