« C’était génial, les années 1980 ! » La ligne de dialogue n’engage que le personnage qui la prononce, mais en effet, il faut reconnaître que le cinéma (d’horreur) nous a gratifiés à cette époque d’une ribambelle de crevures malfaisantes dotées de suffisamment de présence et de charisme pour avoir perduré à l’écran jusqu’à aujourd’hui. En attendant les prochains exploits de Freddy, Jason, Michael Myers…, nous voici témoins des derniers agissements du « good guy » Chucky, poupard en salopette, habité par l’esprit d’un tueur en série, qui donna du fil à retordre, en 1988, à un Chicagolais de six ans. C’était dans le long métrage Jeu d’enfant de Tom Holland, une œuvre austère par comparaison avec la tournure que prirent plus tard les aventures de la poupée diabolique (voir l’hilarant La Fiancée de Chucky de Ronny Yu, sorti en 1999).
En 2013, le petit rouquin en plastique est donc toujours là pour nous divertir, le couteau de cuisine en main et tout un tas d’insanités en bouche. Don Mancini est lui aussi de retour aux commandes pour ce sixième tour de piste (il est le scénariste de tous les films de la série et réalisateur, déjà, du Fils de Chucky en 2004), tout comme le comédien Brad Dourif, voix ricanante de la poupée depuis les débuts. Le ton comique des opus 4 et 5 est largement atténué, Mancini ayant eu envie de donner dans l’épouvante à l’ancienne. L’intrigue se déroule dans le décor unique d’une vaste villa aux allures de manoir anglais. Y vivent Nica, jeune et jolie vingtenaire paraplégique, et sa mère Sarah. Ding dong, le facteur apporte un gros paquet surprise, avec le « brave gars » à l’intérieur. « I’m Chucky, wanna play with me? »
Mancini, de toute évidence, a eu envie de s’amuser avec sa mise en scène. Le film propose des effets intéressants sur les reflets (dont un emprunté — maladroitement — à Profondo rosso de Dario Argento), ainsi que deux, trois trouvailles rigolotes, comme cette scène de repas qui, filmée en top shot, donne à une table ronde des allures de grande roue du destin (une des assiettes est empoisonnée !). Le réalisateur aime aussi à la folie son décor de maison gothique : carrelage en damier, vitraux, corridors… sont exhibés de long en large. Tout cela donne un film plutôt joli, dominé qui plus est par un casting en majorité féminin d’assez bonne tenue : Danielle Bisutti (entrevue dans Insidious 2), Maitland McConnell (Detention), la petite Summer Howell et, dans le rôle-vedette de Nica, Fiona Dourif, la fille de Brad, qui va en découdre avec son propre père par marionnette interposée ! Un clin d’œil amusant, cela dit le lien de parenté — c’est un peu gênant — saute aux yeux à la fin du film (Fiona est le portrait craché de son daddy, lequel réapparaît en chair et en os à l’image à la faveur d’un long flashback).
Alors, cette Malédiction de Chucky serait donc un petit chef-d’œuvre ? Eh bien non, pas vraiment ! Désolé de tempérer d’un coup vos ardeurs, si vous comptez parmi les fans de la poupée, mais en dépit des qualités précitées, cet épisode 6 pêche par un scénario à la ramasse. La première moitié du film est longuette, avec une accumulation de dialogues explicatifs pendant lesquels Chucky se contente de jouer à cache-cache (Don Mancini ose même nous refaire le coup éculé du rideau de douche fermé agité par un… courant d’air !), et le jeu de massacre qui finit par avoir lieu n’est rien d’autre que routinier, débouchant in fine sur une conclusion sans queue ni tête. Difficile, dans ces conditions, de voir décoller le curseur du trouillomètre. Terrible pour Mancini, car cette tare est sans doute le pire défaut qu’on puisse relever dans un film d’horreur !
P.-S. Le film terminé, n’éjectez pas le DVD avant la fin du générique, une petite séquence-surprise vous y attend !
Sortie en DVD et blu-ray le 1er novembre 2013 (Universal).