Teeth est un film difficile à définir, à faire entrer dans une catégorie. Il possède en effet en premier lieu un scénario qui laisse penser à un contenu potache, avec probablement une bonne dose de gore : une jeune puritaine américaine découvre que son vagin est non seulement pourvu de dents, mais qu’en plus celui-ci est… agressif. Toutefois on se rend rapidement compte que le style relève de la branche indépendante du cinéma américain tant la réalisation est éloignée du teen movie classique : les plans longs et surtout silencieux ne manquent pas, la musique est discrète, on hésite même souvent entre rire, réflexion et émotion. Tout devient alors possible pour le spectateur, de l’adhésion totale au rejet face à un objet cinématographique étrange qui semble lier des genres et des situations aux rapports a priori improbables, un peu comme si Juno et La Mutante se retrouvaient dans un American Pie…
Certains peuvent y voir notamment une série B sans moyens s’en sortant avec les honneurs, mais cette vision n’est peut-être pas tout à fait exacte. Il y a en tout cas une réelle volonté de poser ce scénario dans une atmosphère calme et sérieuse même si cela n’empêche évidemment pas quelques passages vraiment drôles. De la même façon l’aspect gore, inévitable, est très limité en quantité et reste « sobre » (si bien qu’il en perd finalement son statut même), là où une série B, même fauchée (voire surtout), irait probablement le plus loin possible dans les directions du visuel et de l’humour gras. Ici le rire s’exprime dans une gamme assez large, ce qui n’est jamais désagréable.
Enfin, et c’est peut-être là le plus important à souligner, ce film ne raconte absolument pas l’histoire d’un vagin à dents (vagina dentata) et de ses aventures sexuello-macabro-vitophages, mais bel et bien le parcours initiatique d’une jeune fille confrontée à un problème extraordinaire en plus de ceux qui peuvent toucher n’importe qui d’autre normalement. Dans cette optique le développement de l’environnement familial est parfaitement adapté et réussi. C’est donc finalement un film assez adulte, mais qui prend le risque d’endormir les plus jeunes avec son rythme lent et de troubler les plus âgés par son aspect fantastique potentiellement choquant (et quoi qu’il en soit très inhabituel). En illustrant un mythe ancien répandu dans de nombreuses cultures, lié à la fois aux mystères de l’origine de l’homme et à la hantise de la castration, Teeth offre un bon point de départ pour de nombreuses discussions à différents niveaux, de la recherche des symboles à la place de la femme et de la sexualité dans la société.