Ce nouveau supplément pour l’Appel de Cthulhu est la surprise de l’été. C’est en effet le Malleus Monstrorum qui avait été annoncé comme le 5e supplément de la gamme, mais Sans Détour, décidément très prolixe, a réussi à caser une nouveauté supplémentaire dans son planning… et une production maison qui plus est ! Il ne s’agit pas tout à fait d’une exclusivité car celle ci a déjà connu de précédentes éditions, notamment au format électronique chez feu EWS. Son contenu a bien sûr ici été adapté aux règles de l’Appel de Cthulhu.
Comme son nom l’indique, ses 128 pages sont consacrées, à peu prêt à parts égales, aux sciences médico-légales, aux « profilers », ces criminologues capables de déduire l’adresse d’une personne rien qu’en regardant ses vêtements, et aux serials killers, de leur manière d’agir à la manière de les arrêter. Le sujet est intéressant et très en vogue, avec des séries télévisées comme les Experts ou Dexter. Il est de fait traité de fort belle manière, en proposant un tour d’horizon complet et suffisamment détaillé pour être exploitable, mais sans jamais verser dans l’analyse universitaire qui n’aurait pas eu sa place dans un tel ouvrage de vulgarisation. A la lecture, n’importe quel MJ imaginera immédiatement quantité de détails qu’il pourra ajouter à ses scènes d’enquête. Jusque là, Forensic, Profiling & Serial killers est donc plutôt enthousiasment…
C’est hélas à la mise en pratique qu’il révèle ses défauts, en partie liés à des origines situées en dehors de la gamme de l’AdC. En effet, en dehors des caractéristiques des PNJ, son contenu a été étonnamment peu adapté à ce jeu. D’une part, malgré la présence d’historiques, il est globalement orienté sur les techniques modernes, alors que Sans Détour avait choisi de recentrer le livre de base de l’AdC sur les seules années 20. Plus gênant, le mythe de Cthulhu est entièrement absent. C’était pourtant l’occasion idéale pour répondre à des questions comme : quelles traces laissent une blessure de profond? Quelle est la psychologie d’un serial killer tuant au nom de Cthulhu? etc. Pour certains de ces éléments les joueurs devront se reporter sur l’autre jeu inspiré de Lovecraft édité au 7e Cercle, Cthulhu, qui avait eu l’intelligence de les aborder.
Le problème est en fait plus profond. S’il est parfait comme ouvrage de vulgarisation pour des joueurs de jeux de rôle, l’ouvrage n’en ait pas pour autant un vrai supplément de jeu de rôle. Il ne propose ainsi aucun élément pour intégrer les sciences médico-légales au système de jeu. Comment utiliser les types d’indice ou encore les techniques d’interrogatoire dans une partie? Est-ce que les joueurs sont censés connaitre tous ces éléments ou peuvent ils effectuer des jets de dès pour simuler cette connaissance ? Mais avec quelle(s) compétence(s), quelle difficulté et pour quel résultat en fonction du degré de réussite?
L’absence de réponse à ces questions nécessitera un important travail préalable de la part du MJ – qui pourra, contrepartie naturelle de ces défauts, l’utiliser très facilement pour n’importe quel autre jeu de rôle. C’est à ce prix que ce supplément révélera tout son intérêt, qui, en ces temps où les séries policières font recette, est indéniable.