Sorti la semaine dernière en dvd et blu-ray aux États-Unis, Excision est le développement en format long d’un court métrage de 2008 au titre éponyme. Le réalisateur Richard Bates Jr a changé le casting, mais l’histoire est la même : le film est une plongée dans l’esprit macabre de Pauline, une ado dérangée mise au ban de son lycée et de sa propre famille.
Le sujet n’est vraiment pas neuf, mais il en vaut bien un autre, d’autant que, comme je l’ai déjà dit et répété, le cinoche US s’est fait depuis longtemps une spécialité du film sur les adolescents. Après les aventures speedées et comiques de Riley, l’intello végétarienne de Detention, sorti chez nous en juillet, voici le portrait tout en noirceur de Pauline, 18 ans, manifestement sensible, intelligente, mais dont l’esprit libre se heurte aux vues étroites de sa mère bigote, des profs et des autres lycéens, qui ne voient en elle qu’une authentique « freak ». Il faut dire que la fille y met du sien, avec sa démarche voutée, sa masse de tifs informe, son acné et son herpès, qu’elle se garde bien de traiter. Pauline va de provocation en provocation, pose en cours des questions déplacées, ne rate aucune occase de mettre ses « semblables » mal à l’aise. Peut-être parce qu’elle-même est très mal dans ses godasses, qu’elle se berce d’illusions quant à une future carrière de chirurgien (alors qu’elle n’en fout pas une rame à l’école), parce qu’elle se désespère d’être privée de l’affection de sa maman, portée en grande partie sur la petite sœur Grace, atteinte de fibrose kystique. La dégringolade psychologique de Pauline prend une ampleur alarmante dès qu’elle se décide à perdre sa virginité, étape symbolique à partir de laquelle la marginale va peu à peu virer sociopathe…
Cette histoire tragique pourrait toucher la corde sensible de bien des spectateurs, mais le problème sérieux auquel on est confronté vient du traitement de l’histoire par le réalisateur Richard Bates Jr, qui sabre le crédit qu’on peut accorder à l’œuvre. Un simple coup d’œil à la distribution des rôles permet de sentir le coup fourré, les acteurs semblant tous choisis pour plaire aux amateurs de pelloches alternatives — films d’horreur ou autres. Pire encore, lesdits comédiens sont tous enrôlés dans des contre-emplois dont le caractère systématique sent le procédé à plein nez. John Waters apparaît ainsi dans les habits d’un pasteur, Malcolm McDowell joue un prof de maths psychorigide, Ray Wise s’amuse en proviseur républicain honorant Reagan et Bush Jr comme d’autres vénèrent le pape. Côté actrices, Traci Lords — au demeurant excellente, elle qui reste la plus grande porn star de l’histoire du X — n’est autre que Phyllis, la mère de famille réac, et, dans le rôle de Pauline, on trouve la ravissante AnnaLyne McCord, que le cinéaste et son staff de maquilleurs ont jugé utile d’enlaidir au point de la changer en sosie féminin d’Everett McGill dans La Guerre du feu. Des artifices qui puent la provoc calculée, et qui trouvent leur apogée dans les mises en scènes risibles des rêves de Pauline, sortes d’happenings sexuels et ultra-gore censés illustrer le monde fantasmatique de l’adolescente. Mais on est très loin des représentations d’auteurs comme Lynch, Argento ou encore Hitchcock, Fellini, Miyazaki… et les parenthèses oniriques clipesques d’Excision servent surtout à rallonger la sauce (leur absence dans le montage ne nuirait pas à la narration et ramènerait le film à une durée de 60 minutes !) et, tant qu’on y est, à choquer le bourgeois par des outrances glaciales au symbolisme creux (exemple : Pauline s’extrait elle-même un fœtus sanguinolent aussitôt déposé dans un four par une sorte de médecin transsexuel).
Production indépendante, Excision a quand même fait son petit effet dans une belle brochette de festivals (dont l’incontournable Sundance) avant de débarquer en vidéo outre-Atlantique. Si d’aventure l’expérience vous tentait, la diffusion des dvd et blu-ray français ne saurait trop tarder (à moins qu’un distributeur kamikaze ne décide de sortir le film en salles !). D’ici-là, je ne peux que vous conseiller de (re)voir le magnifique May de Lucky McKee, avec Angela Bettis, autrement plus honnête et convaincant sur un sujet similaire.