Paris, 1956. Lucien Lacroix part pour Genève, où on l’attend au Salon des Inventions. Il fait nuit, la rue est déserte, les seuls bruits sont les pas du professeur sur les pavés. Soudain le voilà pris en chasse par une inquiétante voiture noire. C’est sûr, on en veut à sa dernière trouvaille, exceptionnelle, une machine à voyager dans le temps !
Stéphane Réthoré, le réalisateur de ce court métrage, avoue une multitude d’influences, à commencer par La Quatrième Dimension de Rod Serling. D’autres reconnaissent — à juste titre — dans 300.000 km/s des réminiscences du Voyageur imprudent de Barjavel. En explorant plus encore l’imaginaire de Stéphane (et de son coscénariste Sylvain Blanchot), parions qu’on pourrait aussi deviner les silhouettes des héros d’Hergé. Non pas que le film mette en scène un héros sans peur et sans reproche tel que Tintin, mais l’histoire située dans les années 1950, les costumes (le professeur Lacroix porte imperméable et chapeau), l’invention top secrète lorgnée par des malfrats dans une grosse berline noire réveillent le souvenir des planches de L’Affaire Tournesol (d’ailleurs publié — coïncidence — en 1956 !).
Le découpage du film, entièrement storyboardé avant le tournage, n’est pas non plus étranger à cette impression de filiation avec la B.D. belge : dès la première scène, l’enchaînement de gros plans cut, à la composition très soignée, morcellent la narration et donnent l’impression d’une série de vignettes (bravo, au passage, pour la direction artistique et la qualité de la photo, formidables !). 300.000 km/s débute donc en installant confortablement ses spectateurs dans un univers connu, jalonné de repères, à l’image de cette Tour Eiffel illuminée qu’on verra plusieurs fois scintillant à l’arrière-plan. Cela dit, le film, heureusement, n’est pas qu’une affaire de codes et de références. L’histoire et son héros accrochent le spectateur : dans son petit appartement aux murs couverts de formules mathématiques, Lacroix, quadra solitaire, détient un secret qui pourrait bouleverser l’humanité. Il n’a pas mis au point son invention par ambition personnelle, c’est avant tout un esprit créatif qui vit chichement, se moquant des contingences matérielles et du gain d’argent.
Le nœud de l’intrigue se trouve bien sûr dans la lutte qui va opposer Lucien Lacroix à des individus sans scrupules prêts à tout pour mettre la main sur la machine temporelle (l’invention fantasmatique prend d’ailleurs ici une forme inédite). D’une durée de 20 minutes qui passent comme un souffle, le film n’a pas le temps de résoudre ce conflit. L’histoire s’achève en pointillés, laissant espérer un prolongement qui arrivera peut-être si Stéphane Réthoré mène jusqu’à terme sa propre quête : faire de 300.000 km/s un long métrage dont ces quelques minutes ne seraient que la première bobine. Entre film noir des fifties et science-fiction à la française, le projet risque de paraître désuet aux yeux de plus d’un producteur, alors qu’il n’en est rien : dans la dernière scène, le professeur Lacroix abandonne Hergé pour s’aventurer dans l’univers d’Enki Bilal. La preuve qu’on tient là un titre résolument tourné vers l’avenir. Vivement la suite !
Le court métrage…
…et son making of :