Barrow, Alaska. Comme avant chaque période sans soleil, la ville se vide petit à petit de ses habitants, ne laissant qu’une poignée d’endurcis à la neige et leur shérif. De curieux incidents se produisent avant l’avènement des ténèbres, sûrement liés à l’arrivée de cet obscur étranger (Ben Foster) qui parle de façon codée d’un désastre à venir.
« Ils » sont déjà là.
Les enfants de la nuit…
Barrow sera-t-il leur nouveau royaume ?
En adaptant un comics légendaire de Steve Niles et Ben Templesmith, salué par de grandes plumes de l’horreur comme celle de Clive Barker, David Slade (Hard Candy) s’attaquait à un défi haut de gamme : le comics proposait en effet une esthétique forte et fascinante, toute de gris nébuleux brisés par du rouge sanguinolent à souhait et renouvelait avec efficacité et dynamisme le mythe trop romantique du vampire en en faisant de véritables machines à tuer, bestiales et brutales, gueule de requin et regard perçant, et en les plaçant dans un cadre fort original.
Il lui fallait donc s’approprier un style graphique bien particulier et étoffer quelque peu le scénario originel de la BD, pour permettre aux spectateurs de s’approprier d’avantage les personnages, de vivre en empathie avec eux cette longue traque entre neige et ombre. On pourra contester, bien évidemment, cette volonté toute hollywoodienne de glisser à tout prix une histoire d’amour contrariée entre le shérif Eben (Josh Hartnett, qui réussit à un tout petit peu à prouver qu’il est autre chose qu’une « belle gueule ») et sa femme Stella (Melissa George) dans la narration. Ce choix transforme le personnage à l’origine monolithique du shérif en personnage somme toute assez romantique, à mi-chemin entre héros blessé et super shérif, permet d’accentuer l’aspect romantique des derniers plans et offre de petits moments de pause au sein de la battue vampirique. Les autres personnages ont été étoffés eux aussi de façon assez stéréotypée, mais ne gâchent rien au plaisir du spectateur : l’enjeu de 30 jours de nuit n’était pas de proposer un film d’une intensité psychologique intense mais bien plutôt une expérience esthétique horrifique marquante.
Au-delà du film d’horreur avec ses jolis moments gores (la fameuse scène de la petite fille n’est pas sans rappeler Zombie de Romero, celle du Muffin Monster, quoique prévisible, n’en demeure pas moins jouissive) et ses passages attendus qui raviront les amateurs du genre, au-delà même de la prestation brillante de l’inquiétant Danny Huston, parfait en chef des vampires au charisme creepy et aux projets fascinants, on ne peut en effet qu’être frappé par la beauté du film et de sa réalisation : la palette de couleurs désaturées et froides, l’éclat métallique argenté de la peau de ces vampires aux visages déshumanisés, la blancheur glaçante et omniprésente de ce western sous la neige, auquel s’oppose le rouge vif et agressif du sang répandu lors de l’attaque forment un tableau impressionnant et réjouissant. La chasse, rapide et brutale, devient un véritable moment de bravoure de réalisation, tout de barbarie et d’horreur. On gardera longtemps en mémoire ce long travelling survolant la ville pendant la première attaque des vampires, où les toits et les silhouettes sombres contrastent vivement avec les explosions de sang qui se multiplient au fil des vies perdues.
Ces bonus visuels, alliés à un rythme nerveux et saisissant et à quelques coups d’éclats trashs à souhait, vampiriseront sans peine les amateurs du genre, qui trouveront là un des meilleurs films d’horreur strigienne depuis Vampires de Carpenter.
Et puis franchement.. comment ne pas aimer un projet soutenu par Sam « Evil Dead » Raimi ?