Début juillet a eu lieu pour la seconde fois le Festival du Film Merveilleux à Paris, présentant des courts-métrage fantastiques du monde entier.

Si le festival présente de jolis courts-métrage bourrés d’imagination, l’organisation ne m’a pas satisfaite. Les films sont présentés à la chaîne sans discussion avec les réalisateurs ou membres de l’équipe et sans débats. Un peu dommage.

J’ai cependant été séduite par l’un des courts (qui a d’ailleurs remporté plusieurs prix du jury du festival): JUNK de l’anglais Kirk Hendry. J’ai pu interviewer le monsieur sur son très beau travail!

Peux-tu te présenter aux lecteurs de Khimaira ?
Je m’appelle Kirk Hendry. Je suis réalisateur à Londres pour le studio de production Th1ng.

Peux-tu résumer ton film?
Et bien c’est l’histoire d’un petit garçon obsédé par la junk food. Mais ça parle aussi du progrès et de la faculté d’adaptation des humains. Et de la folie de vouloir suivre ses rêves. Ha ha.

Combien de temps as-tu travaillé sur ce film?
Il a fallu 2 ans pour le produire avec une équipe de 20 personnes.

L’histoire t’est d’abord venue ou bien les dessins?
L’histoire. En fait, je l’ai écrite bien avant de tourner le film.

Pourquoi cette histoire? Quel message souhaites-tu faire passer?
J’ai écrit un tas de courtes histoires mettant toutes en avant un seul personnage à la poursuite de son rêve, mais ces rêves n’étaient pas en accord avec ce qui est approuvé par la société. Mes personnages vivaient en marge, sans amis et toute sorte de choses horribles leur arrivait. Mais malgré tout, ils s’accrochaient à leur rêve jusqu’au bout. Toutes ces histoires étaient des contes avec de l’humour noir et JUNK en faisait partie. Je pense que tout ceci est né de la frustration de ne pas pouvoir poursuivre mes propres rêves et de voir d’autres connaissances abandonner les leurs au fur et à mesure des ans.

Peut-on dire que Tim Burton est une inspiration pour le film? Et quelles sont tes inspirations dans le monde de l’animation ?
Tim a fait du très bon travail – notamment avec Edward aux mains d’argent – bien qu’il ne soit pas une influence directe pour JUNK. Lotte Reiniger, qui réalisa ce qui est considéré comme le premier film d’animation avec Les Aventures du Prince Achmed, fut le point de départ stylistique [pour le film]. Mais je pense que dans chaque projet que tu réalises il n’y a jamais qu’une seule source d’inspiration. Tu mélanges un ensemble de choses de toute une vie qui signifient quelque chose pour toi et qui reste toujours à l’intérieur de toi.
J’adore l’animation, cependant mes inspirations peuvent venir de créations fantastiques en général, dont l’animation n’est qu’une petite partie. Je suis inspiré par les comédies musicales des années 50 et 60, le matte painting des vieux films, tout ce que Walt Disney a fait, mis à part les merveilleux films d’animation qu’il a produits, comme les parcs à thème et les projets musicaux qu’il a dirigés. Comme autres sources d’inspiration, Karel Zeman, Star Wars et bien sûr plein d’autres choses hors films et illustrations ; la musique, le sport, n’importe quoi. À chaque fois que quelqu’un réalise quelque chose avec de la personnalité et de la passion, je suis très admiratif. Et tu as besoin de beaucoup de passion pour te permettre de terminer le projet sur lequel tu bosses.
Je crois que c’est une période formidable pour l’animation parce que c’est un milieu maintenant très ouvert. Avec la 3D et le rendu photoréaliste, beaucoup de films live ont des séquences entièrement animées. Donc il y a un vrai travail personnalisé qui est mis en place. Et avec la motion capture, nous réalisons des films « animés » tout en utilisant les compétences des acteurs. Quoique je pense que le public n’est toujours pas à l’aise avec des acteurs virtuels supposés avoir un physique humanisé. L’aire de l’animation que l’on considérait comme cartoon semble être révolue. Ce que j’aime aussi c’est ceux qui utilisent la 3D dans un style plus illustratif sans utiliser uniquement la photo. Se servir du côté artistique du travail à la main tout en y ajoutant la profondeur et la dynamique de la 3D. Et tous ces outils sont maintenant disponibles à tous pour un coût minimal. Donc maintenant le plus incroyable est produit dans les courts-métrages. Les idées exprimées sont vraiment impressionnantes parfois. C’est fabuleux !

J’ai vu ROUND, ton premier court également poétique et merveilleux. Pourquoi cette attirance pour la féerie ?
Et bien, il y a beaucoup de raisons pour lesquelles je suis attiré par le fantastique. J’aime m’évader. J’apprécie l’expérience de la profondeur de l’imagination et de l’inventivité des autres. Le truc avec la fantasy, parce que tu crées un monde complet, c’est que c’est une plateforme super pour mettre en place quelque chose de très personnel.
C’est bien aussi pour les allégories. Tu peux faire un commentaire sur l’actualité sans forcer le public à avaler [cette actualité] parce que tu peux justement la déguiser dans un autre décor ou un autre temps.
Je crois aussi que le vrai pouvoir des contes de fées n’atteint pas les enfants. En général, si quelqu’un fait quelque chose dans le domaine de la fantasy qui ne plaît qu’aux enfants, c’est qu’il n’est pas très bon. Les hommes, quel que soit leur âge, cherchent des liens et des résonances dans la créativité. C’est pourquoi tant de gens rejettent l’art conceptuel. Ils ne reconnaissent rien et forcément cela ne leur parle pas. Le véritable pouvoir du conte de fées est qu’il inspire les plus âgés. Les enfants n’ont pas tellement besoin d’inspiration, car tout est neuf pour eux et ils trouvent des opportunités dans tout ce qui les entoure. Ils n’ont pas été rabaissés de multiples fois et n’ont pas vu leurs espoirs et rêves anéantis par les pièges de la vie et l’amour. Ha ha. Ils [les adultes] n’ont pas accepté de se donner une deuxième chance. Bien racontés, les contes de fées rappellent aux hommes adultes que ce qu’ils voulaient pour eux en étant jeune n’est toujours pas atteint. Et ils ont besoin de se le rappeler souvent ! Ha ha.

Quel est ton sentiment au vu de la nomination du film dans 4 festivals différents?
La reconnaissance fait toujours plaisir. Et elle est utile. Les films – les courts en particulier – sont un gros travail d’équipe qui travaille ensemble pendant longtemps sans être payée. C’est super quand de nouveaux talents peuvent s’appuyer sur leurs camarades pour pousser leur carrière. Au bout du compte, l’intérêt principal de la reconnaissance c’est de pouvoir continuer à travailler.

As-tu pensé faire un long-métrage avec JUNK?
Pas avec Junk, non. Mais j’ai d’autres idées.


Quels sont tes prochains projets, si ce n’est pas trop secret?
Mis à part le travail alimentaire pour gagner ma vie, je suis sur le point de créer une animatique pour mon prochain court, ce qui est une étape très excitante. Je travaille aussi sur des formats plus longs.

Et pour finir, quel est ton film d’animation préféré?
Parlons-nous de longs ou courts? Parce que je pense que le travail le plus intéressant est fourni dans les courts. Les films d’animation sont trompeurs parce que peu d’entre eux suscitent l’intérêt pendant 90 minutes. Tous mes préférés ont des points faibles. La première partie de Les Triplettes de Belleville est vraiment magnifique. J’aime beaucoup Monstre & Co. C’est vraiment abouti. Il y a de la subtilité dans les performances et les personnages sont vraiment profonds ce qui te permet de bien rentrer dans l’histoire. Avatar a été le premier film chargé en décors et personnages virtuels qui fonctionnent vraiment, parce que les personnages étaient assez complexes pour retenir assez longtemps notre attention. Les défauts dans les prequels Star Wars ont été légitimés dans Avatar. Le point de départ reste les bons personnages. La chose la plus difficile à mettre en place.

Merci d’avoir répondu à toutes ces questions.
Merci.