Le générique de cette petite production ne manque pas d’attirer l’œil puisqu’on a la chance d’y retrouver Barbara Crampton, reine de l’horreur depuis l’inoubliable Re-Animator (1985) de Stuart Gordon (et From Beyond, l’année suivante, du même Gordon). Depuis, Crampton a beaucoup tourné pour la TV (elle est notamment apparue dans des dizaines d’épisodes des Feux de l’amour, eh oui !), mais son nom reste gravé à jamais dans le cœur des amateurs d’épouvante. Ces dernières années, plusieurs cinéastes versant dans le genre ont ainsi fait appel à elle : Adam Wingard (dans son formidable You’re Next, un des films-événement de Gérardmer 2013), Rob Zombie (Lords of Salem) ou encore Ted Geoghegan, réalisateur de 36 ans qui signe avec We Are Still Here son premier long métrage.
Nous sommes en 1976, un couple de quinquas, anéantis par la mort accidentelle de leur fils, tente un nouveau départ loin de la ville, dans un coin de campagne de la Nouvelle Angleterre. Les pauvres : la maison qu’ils ont achetée fut le théâtre d’événements dramatiques au 19ème siècle. Le scénario nous apprendra que des choses rodent, depuis, la nuit entre les murs, et qu’il vaut mieux ne pas trop s’attarder dans l’affreux sous-sol.
On pourrait parier un million de dollars que Geoghegan a vu tous les films de Barbara, mais aussi gager la somme équivalente en lires (si la lire existait toujours) qu’il est resté pétrifié dans sa jeunesse devant les joyaux noirs et sang que l’Italien Lucio Fulci tourna à la charnière des années 1970/80. Frayeurs, L’Au-Delà sont des œuvres qui, visiblement, ont marqué le cinéaste, de même que La Maison près du cimetière, auquel We Are Still Here rend un hommage appuyé. Le film reprend grosso modo le décor du film de Fulci (la vieille bicoque isolée et habitée par des monstres), l’intrigue et l’époque. Ajoutons que les deux héros de l’histoire se nomment Sacchetti, soit le patronyme du scénariste attitré de Fulci, Dardano Sacchetti !
La reconstitution des années septante est impeccable. Geoghegan retrouve le style en cinémascope des horreurs « fulciennes ». Les ploucs locaux voient les étrangers d’un sale œil, l’ambiance est plombée, le ciel hivernal bouché. Le film ne plaira guère aux consommateurs d’horreur facile, bourrée de trucs de montage et d’effets sonores tapageurs. We Are Still Here se veut un film lourd, presque maladif. On n’y sourit pas, ou alors juste un peu, lorsqu’entre en scène un second couple, des hippies férus d’occultisme joués par Lisa Marie (l’ex-fiancée de Tim Burton) et Larry Fessenden, figure de l’horreur indie américaine. Le seul handicap du film vient peut-être de son côté un peu trop appliqué : à force de vouloir tourner un métrage « alla Fulci », Geoghegan oublie presque de développer un style propre (le cinéaste ne se prive pas non plus de citer John Carpenter, grâce à des personnages de revenants qui évoquent les naufragés de Fog). We Are Still Here se suit malgré tout avec intérêt. L’histoire recèle plusieurs passages fort inquiétants, le dernier acte, très gore, fait plaisir à voir. Et passé l’heure trente de métrage, on n’a qu’une envie : se replonger dans les films de Fulci, en commençant évidemment par Quella villa accanto al cimitero.
Après un passage remarqué au festival South by Southwest à Austin, We Are Still Here est sorti le 5 juin dans les salles américaines. Aucune date n’est annoncée pour une éventuelle exploitation française. Et pour en revenir à Barbara Crampton, parfaite dans son rôle de mère éplorée, on la reverra à la Toussaint dans Tales of Halloween, film à sketches qui fait déjà le buzz car réalisé par un cortège de spécialistes de l’horreur (dont Neil Marshall, Lucky McKee, Paul Solet et Darren Lynn Bousman). Ils viennent tous te chercher, Barbara !