Selon qu’il publie de la littérature adulte ou des romans jeunesse, des histoires fantastiques ou des thrillers, Michael Marshall Smith s’amuse à modifier légèrement son nom. Le roman qui nous intéresse ici est un récit criminel, une chasse au tueur en série dans l’Amérique contemporaine que l’auteur britannique a signé en 2002 du patronyme écourté Michael Marshall.
« Hors norme, terrifiant… », déclare Stephen King en personne, dont on lit la citation sur la quatrième de couverture de cette réédition en format poche. Autrement dit, accrochons-nous, on ne va pas tarder à avoir les mains moites. Après un préambule qui nous rappelle les images des horribles et récurrentes tueries de masse aux États-Unis, Les Hommes de paille se partage entre deux fils narratifs : l’un, à la première personne, a pour héros le dénommé Ward Hopkins, ex-agent de la CIA revenu dans sa bourgade natale du Montana pour y enterrer ses parents, disparus dans un accident de la route (toutefois des indices troublants laissent penser que le couple ne serait peut-être pas mort) ; l’autre récit, à la troisième personne, relate l’enquête d’un ancien inspecteur de police de Los Angeles qui n’a qu’une idée en tête : coincer un ravisseur et assassin qui s’en prend aux adolescentes et se fait appeler « l’Homme Debout ». En plus des énigmes auxquelles se frottent les enquêteurs, une question stimulante s’impose dès la lecture entamée : comment les deux intrigues, distinctes et éloignées, vont-elles finir par converger ?
Je l’ai indiqué plus haut, le roman de Michael Marshall a connu sa première édition au début des années 2000, soit à une période où la « X-Files mania » battait encore son plein. Marshall a peut-être souhaité rendre un hommage à la série-culte de Chris Carter, dont l’influence se ressent à plusieurs reprises : Les Hommes de paille distille la même ambiance de dissimulation, de paranoïa (les faux-semblants sont partout, on ne peut faire confiance à personne) et l’on devine derrière Nina, un personnage d’agent du FBI, la silhouette de la courageuse Dana Scully (dont le nom est du reste cité dans une ligne de dialogue). Au-delà de ces clins d’œil, Marshall tisse les fils d’un écheveau criminel complexe, et il n’hésite pas à prendre le temps de longues descriptions et de considérations sociologiques ou culturelles pertinentes, portées par une prose riche d’expressions fort bien tournées (la traduction française de Jean-Pascal Bernard est à ce titre excellente). L’intelligence de la plume n’exclut pas de basculer régulièrement dans l’horreur (des exactions commises sur des enfants retournent le cœur), et tout cela donne, au final, un thriller avec serial killer à inscrire d’office dans une « top list » du genre. « Un chef-d’œuvre », ajoute Stephen King à la fin de la citation mentionnée plus haut. On ne saurait lui donner tort.
En librairie depuis le 11 septembre 2019.