Résumé :
Inspecteur au troisième district de police judiciaire de Paris, Yoann Clivel est convoqué par le commissaire Filippo.
Ce dernier lui annonce que, sur sa demande, son équipe et lui vont reprendre une enquête.
Amandine Moulin, épouse d’un professeur de français adulé du XVème arrondissement et mère de trois enfants, n’a plus donné signe de vie depuis huit jours.
Fugue, suicide, meurtre ? En découvrant que l’affaire a été rapprochée de la disparition d’une femme âgée atteinte d’Alzheimer, Yoann sent un coup tordu…
Lorsque son supérieur lui avoue qu’il connaît la famille de cette femme, notre homme comprend que cette enquête va se révéler très compliquée.
Il est en de ça de la vérité !
Notre avis :
Si vous connaissez les œuvres antérieures de cette auteure, journaliste et réalisatrice, vous avez déjà croisé Yoann Clivel et son équipe dans ses précédents romans également publiés chez Albin Michel depuis 2011 et Le testament des abeilles.
Tout comme Danielle Thiery et Féroce, il s’agit une fois de plus pour moi d’une véritable découverte, et ma méconnaissance des premières aventures du troisième district de police judiciaire n’a en rien perturbé ma lecture.
Le sujet principal de ce roman est le harcèlement, celui que subit Amandine Moulin.
Natacha Calestrémé, construit un récit intelligent en alternant point de vue de la disparue, en commençant par remonter six mois avant les événements rapportés, et les découvertes de Clivel et ses adjoints au fil du temps.
De fait, le lecteur s’associe aux enquêteurs qui, s’ils ne tardent pas à soupçonner Henry Moulin, n’ont aucun moyen légal de le faire tomber. Le harcèlement et la perversion narcissique sont difficiles à déterminer du point de vue juridique. Les preuves sont difficiles à rapporter.
On en apprend beaucoup sur le profil de ce nouveau croquemitaine moderne très largement décrié à toutes les sauces.
On se rend surtout compte que l’appellation est associée à des individus ayant eux-mêmes été des victimes et qui cherchent à se venger. Loin de la caricature du sadique pur que l’on présente généralement. C’est très fin du point de vue psychologique.
Le harcèlement est également abordé au travers l’expérience d’un des adjoints de Yoann dont le frère obèse en est arrivé à se suicider suite aux brimades qu’il a subi.
L’auteure met en scène des personnages humains, des flics qui ont leurs histoires, leurs failles et, qui sans sombrer, doivent faire face à la tentation de faire Justice eux-mêmes.
L’écriture est remarquable : Natacha Calestrème a vraiment du style.
Elle n’est pas de celles et ceux qui font du page turning, à grands coups de chapitres court et de rebondissements perpétuels.
On prend vraiment plaisir à découvrir son histoire, narrer de façon fluide : on en ressent les véritables enjeux.
Henry Moulin apparaît au final aussi implacable que le plus dangereux des serials killer, et surtout bien plus inquiétant, car plus proche de nous.
Petite fille de guérisseuse, amie de médiums (elle en fait état dans les remerciements tous d’autres professionnels qui l’ont aidé dans la rédaction de son livre- Il y a d’excellents passages sur le travail cynophile dans le cadre des recherches de personnes disparues.), l’auteure distille le paranormal avec parcimonie.
Yoann se révèle avoir quelques dons et trouve un soutien auprès de la famille de la femme qu’il aime (il y a aussi un peu de romance) portée sur ce genre de phénomènes.
Cet aspect n’est pas prépondérant, et ne saurait déranger les plus rationalistes qui fuient le fantastique.
Un parti pris que si on n’y adhère pas, reste réaliste : effectivement il n’est pas rare que des professionnels de la psychologie acceptent de trouver ()des solutions dans des domaines moins conventionnels.
Natacha Calestrème nous manipule, et si on peut discuter de la nécessité de certains passages, le fait est qu’on ne devine pas le dénouement final.
Au sein d’une production de plus en plus formatée, « Les blessures du silence » sort du lot sans qu’on arrive vraiment à lui coller une étiquette pour ce qui est du genre…
C’est un excellent livre qui sensibilise au harcèlement et fait un sort à ce qu’est véritablement un pervers narcissique au prix d’une démonstration des plus brillantes.