En voyant le logo des Éditions Marathon, de Marseille, il est facile de voir que Florence, sa directrice, est attachée à la mer, synonyme pour elle de voyage, d’évasion, et de sérénité. Logique donc d’avoir eu l’idée d’organiser un concours de nouvelles, en partenariat avec le blog littéraire Imagin’encre, sur le thème Coups de vent en mer.
Le sujet du concours ? Écrire une nouvelle illustrant le thème. Autrement dit, du vent, des vagues, des tempêtes ! Des pirates ou des créatures marines extraordinaires ! Faites-nous frémir, faites-nous rêver !
Résultat : quinze nouvelles sélectionnées, écrites par autant d’auteurs des deux sexes (presque paritairement), et parues dans un recueil collectif éponyme.
Particularité : en accord avec le thème, les droits d’auteur seront reversés à la Société Nationale de Sauvetage en Mer, association ayant pour vocation de secourir, bénévolement et gratuitement, les vies humaines en danger en mer.
Alors, quid de ces quinze textes ?
Première singularité qui vaut le détour par son originalité et l’exercice de style associé, un sommaire narratif rédigé (devrait-on dire « ciselé ») par Marine d’Imagin’encre (sommaire qui peut être lu sur le blog littéraire). C’est-à-dire, un véritable texte incluant les titres de chaque nouvelle publiée, dans l’ordre. Et le tout a un sens. Bravo à la rédactrice !
Et pour les textes ? Comme c’est souvent le cas dans des œuvres collectives, chaque auteur apporte la particularité de son style unique et de son univers particulier. Le lecteur vogue ainsi du passé vers le futur, en passant par le présent, mais aussi vers l’ailleurs, bien loin de notre Terre… Un sacré voyage !
Jugez plutôt :
– Une traversée mouvementée de Marie Piroth où rien ne sera épargné au pauvre équipage d’un navire parti commercer vers les Indes. Ni les pirates, ni les monstres marins, non, c’est vraiment une traversée quasiment maudite, qui connaîtra une chute peu commune dans les recueils de nouvelles. Un bon début !
– D’humbles pêcheurs de Karis Demos nous mets en présence d’une lutte à mort entre un peuple connaissant une magie marine, protecteur des espèces marines de grande taille, et des pêcheurs nomades avides de sangs comme de richesses. Un soupçon d’écologie, une poignée d’héroïsme, quelques grammes de magie, pour une aventure rafraîchissante !
– La Marie-Joseph de Jean-Marc Sire joue la carte de l’humour puisqu’il y est question d’un duo de marins peu scrupuleux engagé pour transporter un cercueil. Bien sûr, les deux lutins ne pourront résister à la curiosité de plonger leur regard et leurs mains dans la cargaison. La suite n’est pas aussi évidente que pourrait le penser le lecteur. Amusant !
– No Mercy de Christian Perrot : encore une histoire de pirates ? Certes, mais c’est surtout le capitaine qui vaut le détour…
– Tu remonteras d’Ophélie Hervet redonne de l’espoir sur la capacité des hommes à vaincre leur handicap. Après un accident qui le prive d’une jambe, un gabier (matelot chargé des voiles) croit devenir un inutile à bord. C’est sans compter avec son ingénieux capitaine. À méditer sur la puissance de la compassion et de l’amour entre humains !
– Ultime sanction de Marie Anjoy démontre qu’un nouveau déluge engloutissant la Terre sous des mètres d’eau pourrait être l’occasion de rassembler quelques survivants à un très ancien peuple vivant sous les mers. Sur fond de guerre entre races marines et de fin du monde des Humains, un texte qui rappelle que nous ne sommes, finalement, pas forcément les seuls sur notre planète !
– Jour 77 de M. Vanded permet d’assister à la survie d’une femme abandonnée sur un globe-océan par son équipage après une mutinerie sur un vaisseau spatial adepte de piraterie. Entre les îles peuplées de cannibales, les prédateurs marins, et les aléas de la météo, l’ancienne capitaine aura fort à faire pour maintenir sa capsule à flot. Et ce n’est que le soixante-dix-septième jour de son périple… Une ode à la détermination des femmes !
– Les papillons de Nonomi de Bernard Weiss où, dans un style fantastico-asiatique, les prétendants d’une princesse partent à la recherche d’un trésor de dragon marin. Le père de la jeune femme a été clair, la main de sa fille à quiconque ramènera les richesses convoitées. Hélas, ce ne sont pas des hommes qui reviennent, mais des papillons. Pourtant, la princesse est une « battante » bien décidée à récupérer son fiancé, quitte à aller elle-même affronter le dragon. Entre traditions et actions, un texte séduisant !
– Le prince des vagues de Martin Niementowski donne la possibilité de suivre un jeune capitaine ayant hérité d’une flotte parentale après leur déchéance. Peu de choses seront épargnées pour celui qui essaye de se maintenir à flots, à tous les sens du terme. Hélas, la Flotte Impériale est proche et il lui faudra bien rendre des comptes dans un combat qui s’avère sanguinaire. Une fin surprenante !
– Sème-le-vent de R. Senelier désigne un dragon mécanique dirigé par une jeune femme cartographe et exploratrice. Une créature dans le plus pur style steampunk qui sera pourtant frappée en plein vol, jetant bas sa propriétaire, et la mettant aux mains d’un chef mercenaire. Ce dernier, en conquérant, étudie à sa manière les dragons mécaniques : à coup de baliste. Il s’attend à peu de résistance de la dragonnière et de ses compatriotes. Un face à face presque mondain entre une femme déterminée et un maître de guerre pour un revers de médaille final !
– Un trou dans la mer de Susanne Wattelet est l’ambition d’une jeune femme Suisse qui souhaite, depuis toute petite, pouvoir visiter, à pieds secs, une épave de bateau. Après des études littéraires, elle se plonge dans d’anciens textes jusqu’à exhumer la mythique connaissance détenue par Moïse. Elle s’approche afin de son but, mais n’est-elle pas trop exaltée ? Sur fond de secrets antiques, un texte sur la nécessité de conserver une âme d’enfant sans pour autant perdre de sa prudence !
– La traversée de Laurine Bertrand transforme le lecteur en écolier écoutant le discours de bienvenue d’un professeur œuvrant dans une école secrète où se rassemblent tous les enfants possédant des capacités magiques. Située sous les eaux de l’océan, l’institution permet de soustraire les bambins à la folie des hommes capables de tuer ce qu’ils ne comprennent pas. Un rappel sur l’acceptation de la différence et sur l’obscurantisme !
– Là où le temps fait demi-tour, d’Augustin Extier, c’est la destination peu attirante que doit suivre un bateau dont le stock de vivres n’est plus suffisant pour la traversée planifiée. Un lieu bien étrange, redouté par les marins, où les conditions atmosphériques ne sont pas les seuls dangers à affronter. Le personnage principal y croisera un vieil homme semblant venir de loin pour une chute percutante !
– Luciférine d’Elie Bouët donne la possibilité au lecteur de plonger au plus profond des océans en compagnie d’un duo disparate, une autiste habile et un plongeur venu l’assister. Ensemble, ils vont essayer de comprendre ce qui est arrivé à des robots d’exploration. Pour cela, ils s’engagent dans un véritable gouffre à plus 13.600 mètres. Un exploit, mais pas seulement à cause de la grande profondeur ! Seul texte illustré du recueil, au passage…
– Mosaïque d’Estelle Raffy, pour sa part, est le fascinant récit d’une traversée meurtrière raconté, durant une partie d’échecs, par l’un des survivants de la tragédie. Avec son parlé de vieux marin, le vieillard va détailler une rencontre effrayante à un jeune homme médecin. De quoi le dissuader à jamais de prendre la mer. Car, après tout, et si c’était vrai ?
Après les nouvelles se trouve une autre bonne initiative du recueil : un glossaire du vocabulaire marin utilisé dans les nouvelles. Pratique pour comprendre ce qu’est un Gabier ou un Ris. Dommage, il manquerait quelques termes « hors-marine » mais tout de même rencontrés entre les pages, comme les Cônes Géographes présents dans Luciférine (autre terme hermétique pour qui ne le connaît pas).
Enfin, le recueil se termine par un trombinoscope des auteurs avec leur biographie, version courte. De quoi se faire une idée, mais surtout quelques pages qui donnent envie d’en savoir plus sur eux.
Pour conclure, une anthologie de quinze nouvelles habilement sélectionnées. De très bons moments de lecture au gré des vents et des vagues sous lesquels résident tant de mystères. Un recueil agréable à lire dans cette période estivale. Du moins, si l’on ne s’éloigne pas trop du bord ! Car, qui sait ce que dissimulent les eaux du large ?