Résumé :
Ces parents l’ont prénommée Colombe pour la protéger, la prédisposant à la pureté. Mais dès sa plus tendre adolescence, se désespérant de ne susciter aucune réaction, leur fille a multiplié les excès en tout genre au sein de la cité de banlieue parisienne où ils habitaient.
Sous l’aile de Roman, la jeune fille de 19 ans est maintenant maquilleuse sur les films pornos gay de son ami et protecteur.
Un soir, alors qu’elle tente de rentrer chez elle, fuyant une de ces sempiternelles soirées où elle se laisse traîner et où elle s’ennuie profondément, Colombe se voit offrir du feu par Malik. Un Iroquois alcoolisé, perché sur la statue du Maréchal Moncey de la place Clichy.
Commence alors une histoire d’amour très trash entre Paris et Berlin.
Notre avis :
Quand bien même ce nouveau récit est ancré dans notre réalité, force est de constater qu’on est bien dans un roman de Morgane Caussarieu ! On se souvient des vampires qu’elle avait mis en scène dès son premier roman « Dans les veines » (au format poche chez Helios– une chance de la découvrir à un moindre prix) et de JF en particulier : à sa façon, le vampire punk toxico apparaît très proche de Malik, et l’ambiance qu’elle retranscrit singulièrement la même. Le script du film porno de Roman apparaît comme un pied de nez humoristique à cette époque. De la littérature « blanche » (par opposition à la littérature de genre), mais qu’on ne doit pas moins présenter avec précaution, car on y trouve autant de décadence que dans les précédentes œuvres de Morgane Caussarieu. Les références à la culture rave, punk et post-punk, qu’elle maîtrise tout aussi bien, sont beaucoup plus prégnantes : bande-son et liste des squats et clubs festifs (La miroiterie, la cantada, et pour finir le Berghain) incluse. « Chéloïdes » (littéralement des bourrelets développés sur une cicatrice, qu’on associe facilement ici, outre à l’histoire, aux tatouages et aux piercings qui l’émaillent), c’est la découverte d’un monde souterrain si ce n’est pas l’affirmation de la retranscription réaliste et sensible de marginaux qui hantent notre société. Des fêtes hautes en couleur on en traverse beaucoup, autant que dans « Les chérubins électriques » de Guillaume Serp, livre « secret » cité par Beigbeder ou feu Daniel Darc, et qui sert ici de fil conducteur : l’auteur iconique, comète des années 80, décédé à 27 ans, est omniprésent tout du long du récit, tout comme les défonces éthyliques jusqu’au black-out, et la drogue sous toutes ses formes. Les comparaisons viennent à l’esprit indubitablement à la lecture : si vous vous êtes aventuré un jour sur les territoires littéraires d’auteurs comme Virginie Despentes ou Ann Scott (pour ne citer que des auteures françaises) vous ne serez pas déstabilisé, mais ce n’est pas rendre honneur à Morgane Caussarieu, qui tire son épingle du jeu et nous ravi, une fois encore, avec un style incisif et sans concession ! Portrait cru d’une jeune fille de son temps, à vif et sans maquillage. La sortie du premier « roman jeunesse» de l’auteur de « Vampires et bayou » en mars 2018 sera incontestablement un « grand écart savoureux » que l’on est déjà curieux de découvrir. On aimerait penser « No future », pour Morgane Caussarieu, mais finalement il y en a certainement quelque chose pour elle dans l’avenir et les romans! Le catalogue de l’atelier Mosésu s’enjolive d’une jolie perle noire ! Pour lecteurs avertis.