Le livre se présente sous la forme d’un pavé de plus de 400 pages, au format entre le poche et le grand-format. Petite déception, la couverture semi-rigide qui va beaucoup souffrir lors des nombreuses lectures et recherches fébriles en pleine partie. Grande joie, le titre en quatrième de couverture donne le ton : « Moi, si j’étais tout-puissant, je serais un vrai fils de pute… ». Autant annoncer la couleur, cet remake ne tranche pas avec la version originale : violence, sexe, drogue, massacre, torture, schizophrénie, tout le monde est au rendez-vous.
Si vous ne connaissez pas le monde de Bloodlust, ne vous arrêtez surtout pas à cet aspect. L’univers présenté est ouvert à tous les abus, vos personnages pourront tout faire ou tout subir, mais ce n’est qu’un vernis de surface. Grattez un peu et les joueurs découvriront un monde où les intrigues sont partout, chaque grotte, chaque échoppe, chaque rencontre peut leur permettre de découvrir des secrets plus anciens que les souvenirs des conteurs ancestraux.
Pour ceux qui connaissent l’ancienne version, le background est fondamentalement le même en ce qui concerne l’histoire du monde actuel, les anciennes races, les origines de chaque peuple, les sectes d’Armes-Dieux. Une extension à venir livrera les secrets du monde, des différences apparaîtront peut-être à ce moment-là.
La grande majorité du livre de base est consacré à la description des peuples, des royaumes, des cités, des guildes, des sectes. Cela peut paraitre basique, pourtant c’est tout ce qui va pouvoir donner une autre dimension à vos parties. A de nombreuses reprises le texte insiste sur la vision que les habitants du continent ont les uns des autres (« nous sommes les dominants, les autres les impurs ») et sur la réalité, à savoir qu’un peuple de barbares nordiques n’est pas constitué à 100% de gros bourrins de 2 mètres pour 150 kilos de muscles avec la cervelle d’un Polac (de grosses vaches à poil long servant de transport sur le continent) et que derrière leurs voiles, les femmes Batranoban mènent des intrigues aussi importantes leurs maris.
Là encore cette version ne tranche pas avec l’ancienne.
La particularité de Bloodlust est de mettre en scène des personnages porteurs d’Armes-Dieux. Ce n’est pas une métaphore. Les Armes servent de réceptacles à des Dieux voulant faire l’expérience de toutes les sensations humaines : pouvoir, richesse, plaisir, violence, etc.
Le jeu permet de prendre en main les Porteurs successifs d’une Arme (il faut bien reconnaitre que le taux de mortalité est élevé chez les Porteurs, les Armes adorant se retrouver dans des situations extrêmes), l’Arme étant joué par le maître ; une Arme (les porteurs étant interprétés par le maitre) ou bien le couple Arme-Porteur (seul ou avec un autre joueur).
La différence principale est l’échelle de temps. Un Porteur reste la majorité du temps soumis aux lois de la nature, et a une espérance de vie humaine, alors qu’une Arme est immortelle et peut comploter sur plusieurs centaines d’années.
Où est la différence entre cette édition et l’original alors ? Tout n’est-il qu’une ré-écriture, de nouvelles illustrations (superbes soit-dit en passant) et quelques détails mineurs sur la liste des pouvoirs des Armes ?
La réponse : le système de jeu !
Exit les D100, bienvenue au système Metal. Tout est à base de D6. On aime ou pas, personnellement j’ai un a priori négatif, et pourtant le système m’a énormément plu (à tester plus en profondeur lors de parties futures). Les joueurs ne se contentent pas de lancer les dés et de tenter d’atteindre un score. Ils peuvent décider de modifier le nombre de dés en fonction de leurs aspects (« rapide comme l’éclair », « malin comme un singe », le choix est libre), des risques pris, de la situation (une serveuse sera plus à même d’éviter un coup au milieu d’une bagarre de taverne qu’un éclaireur habitué aux grands espaces), du temps consacré à l’action, etc.
Un seul lancer suffit pour déterminer le résultat et le niveau de réussite (ou d’échec).
A première vue (là encore il faudra quelques parties pour valider), le système propose surtout de faire des personnages correspondants aux désirs des joueurs (et du maître) et non pas déterminés uniquement par une série de valeurs numériques.
Quelques options sont proposées pour étendre un peu le système et faciliter ou durcir le niveau de difficulté des parties.
Autre point très sympathique : la tension. Plus un personnage se fatigue, plus il est soumis à des stress, à des tensions (combat de volonté avec son Arme, situation éprouvante, …), plus il va avoir de malus sur ses actions. Prendre un bon repas à l’auberge, goûter cette merveilleuse bière et passer la nuit avec cette superbe serveuse (ou ce magnifique serveur) ne devient plus une simple question de RolePlay, mais également une nécessité pour retrouver un taux de réussite normal.
Un scénario complète bien évidemment le livre, ainsi que des pistes pour développer vos scénarios ou vos campagnes. Une idée très intéressante est de proposer aux joueurs de vivre le passé proche (quelques siècles quand même) à travers une Arme pour assister (et pourquoi pas participer) aux grands changements historiques.
La richesse de Bloodlust (original) venait également de la série d’extensions et de campagnes qui levait le voile sur l’univers, et proposait aux joueurs de découvrir un monde complexe, très éloigné de la vision de départ.
La version Metal, et c’est normal il faut bien commencer par un livre de base et celui-ci est entièrement accessibles aux joueurs, n’aborde aucun de ces grands sujets (si ce n’est l’arrivée des Piorad sur le continent qui amène normalement une question : « Ils arrivent d’où ? »). Espérons que le deuxième livre arrive très vite, et comble cette attente.
Vous ne connaissez pas Bloodlust : aucune hésitation, foncez et découvrez la poésie de la musique d’une lame affutée sur le dos d’un prisonnier cachant des petits secrets, la beauté d’une neige constellée du carmin s’écoulant de vos ennemis terrassés et le plaisir incomparable d’être un Dieu parmi les Hommes.
Vous connaissez Bloodlust : aucune hésitation, le nouveau système de jeu à lui seul rentabilise l’investissement.
« -Tu connais l’histoire du Thunk en haut d’une falaise ? -Non -Moi non plus mais elle commence bien » – Humour Piorad.