Alors que le projet d’adaptation en chair, os et métal d’Akira semble être au point mort chez Warner Bros., la même major US est parvenue à (co)produire l’an dernier ce Black Butler bavard, tiré du manga et de la série d’animation éponymes de Yana Toboso.
À l’origine, il y a une vingtaine de volumes (édités en France par Kana) et 24 épisodes de série animée (produits en 2008-09) se déroulant dans l’Angleterre victorienne : dans un somptueux manoir de la banlieue de Londres, Ciel Phantomhive, riche orphelin de 12 ans, dirige l’entreprise Funtom depuis le décès de ses parents, morts dans un incendie criminel. Ciel est l’héritier de la famille, mais malgré son jeune âge, le garçon est surtout un limier de la Reine, un détective de l’ombre chargé de mettre en échec quiconque menace la couronne. Détail d’importance : Ciel a vendu son âme à un démon des enfers, Sebastian, entré à son service comme majordome (« butler ») et qui l’assiste dans les plus périlleuses missions.
Projeté au BIFFF l’an dernier, le film live reprend presque telles quelles plusieurs scènes de la série animée, mais quelques innovations ont vite fait de troubler les habitués du « shônen manga » initial. Outre le fait de se dérouler dans l’avenir (nous sommes en 2020), ce Kuroshitsuji nouveau transforme le personnage de Ciel en Shiori, non un garçonnet mais une adolescente qui se travestit en boy pour prétendre à la succession de la multinationale de la famille Genpou. La situation n’est guère crédible, elle permet essentiellement de placer la relation des deux héros, maître et serviteur, sous le sceau de l’androgynie. Shiori (Ayame Gôriki, cheveux coupés courts) et son diable de majordome au physique gracile (joué par Hiro Mizushima, qui aurait perdu 15 kg pour le rôle) enquêtent sur une sombre affaire de diplomates retrouvés mystérieusement momifiés.
Dans la série animée, Yana Toboso avait puisé avec talent dans le patrimoine gothique britannique au gré de scénarios façon Hammer Films où intervenaient le chien des Baskerville ou Jack l’éventreur. On aurait aimé s’intéresser autant à cette nouvelle histoire, mais le script (toujours signé par la mangaka) s’avère cette fois très, très confus. Les dialogues explicatifs sont légion, besogneux, et n’aident jamais à cerner un contexte géographique et géopolitique des plus flous. Par-dessus le marché, les réalisateurs ont, semble-t-il, abordé l’affaire avec le plus grand sérieux en imposant une direction d’acteurs d’une raideur papale. L’interprétation est horriblement guindée, pas sexy pour deux sous, et on ne peut compter que sur les apparitions de Rin, la soubrette à lunettes, pour nous dérider un peu. Comme les autres comédiens, Mizuki Yamamoto est fringuée comme dans un concours de cosplay, mais elle a un charme que les autres n’ont pas (l’uniforme de « French maid » aux bas noirs y est peut-être aussi pour quelque chose). Sa grande scène, où elle fait preuve d’une belle habileté aux pirouettes et au maniement des flingues, est un des moments les plus entraînants du film.
Black Butler est sorti au Japon début 2014 et au Royaume-Uni à l’automne dernier. Faut-il s’attendre à une distribution française ? Difficile de se prononcer, mais l’ennui général ressenti devant la projection laisse plutôt penser que le film se retrouvera, chez nous, directement dans les rayonnages de DVD. Dommage, quand même, pour le production design et la photo en 2:35, extrêmement chiadés, qui méritent bien une exposition sur grand écran.