Un bond de mille ans dans le futur : les ressources naturelles terrestres étant devenues insuffisantes, les 500 milliards d’individus qui composent l’espèce humaine se sont exilés aux quatre coins de la galaxie et sont gouvernés par un comité central d’oligarques, la Coalition Gaïa, basée sur Mars. La planète bleue est désormais un sanctuaire inviolable que nul n’a le droit d’approcher, mais tous, pourtant, rêvent d’un jour où ils pourront à nouveau fouler le sol du monde qui les a vus naître. Le corsaire Albator, commandant le vaisseau Arcadia, et son équipage, recherchés dans tout le système solaire, seront-ils le bras armé qui permettra aux humains de regagner leur berceau ?

L’arrivée sur les écrans de ce long métrage signé Shinji Aramaki (Appleseed) est un rendez-vous qu’il est impensable de manquer pour toute une génération de spectateurs qui ont fait connaissance avec le corsaire de l’espace il y a quelque trente ans, lorsque la série animée de Leiji Matsumoto fut diffusée sur Antenne 2. Ces retrouvailles ont lieu sous l’égide de la 3D et de l’animation photo-réaliste, à des années-lumière du style du programme originel (et du manga, le « Captain Harlock » ayant fait sa toute première apparition au Japon en B.D., en 1969). Visuellement, cet Albator nouveau est une splendeur, et le film fait défiler des héros à l’allure époustouflante, parfois très érotisée, à commencer par le Capitaine lui-même, corsaire le plus classe de l’univers, véritable icône gothique enveloppée dans les amples mouvements de sa cape noire. La galerie de personnages comprend des silhouettes empruntées aux diverses séries de l’univers Harlock, réalisées dans les années 1970-80 (Albator 78, Albator 84, Harlock Saga…), en laisse d’autres de côté. Vous ne verrez pas Esmeralda, le pendant féminin d’Albator, ni les troublantes Sylvidres et leur civilisation saphique. En revanche, Yatterman, le commandant en second de l’Arcadia, l’extraterrestre Mimé et la blonde Kei (alias Alfred, Clio et Nausica dans la v.f. de la série), répondent présent à l’appel. Le petit nouveau de la bande se prénomme Yama, c’est en réalité un agent infiltré de la Coalition Gaïa chargé de rapporter des informations sur les velléités terroristes d’Albator et de le liquider.

À l’image de la série de Matsumoto, notoirement bourrée d’incohérences, le scénario du film, il faut l’admettre, n’est pas d’une clarté limpide. Les enjeux de l’intrigue sont parfois sibyllins, et malgré sa durée d’1h50, le métrage ne prend pas la peine de développer les seconds rôles et d’expliquer leur présence dans l’équipage de l’Arcadia. Les commentaires explicatifs en voix off, procédé fastidieux, et les nombreux flash-back n’arrangent rien à l’affaire. Les scénaristes ont cependant permis à Albator — personnage central à défaut d’être principal, l’aventure n’étant pas contée de son point de vue mais de celui de Yama — d’acquérir une dimension romantique séduisante, faisant de lui un navigateur maudit, hanté par une faute capitale qu’il pourrait passer l’éternité à expier (la « matière noire », source d’énergie extraterrestre contrôlée par Mimé, fait carburer l’Arcadia, elle confère aussi à Harlock le pouvoir de l’immortalité).

Personnage torturé, Albator cherche son salut en poursuivant un projet fou, entre utopie et nihilisme, et la Coalition Gaïa entend bien le mettre en échec. D’où des algarades spatiales de grande ampleur au milieu desquelles resplendit l’Arcadia, navire de classe « Death Shadow » à la figure de proue titanesque en forme de crane aux orbites rougeoyants. Le bâtiment est magnifique, à la fois engin de guerre et vaisseau fantôme, mécanique et organique, drapé dans les volutes de matière noire comme Albator dans sa cape. Une véritable invitation à un voyage dans les ténèbres qu’on aimerait voir se poursuivre dans un long métrage ultérieur…

Film sorti le 25 décembre 2013.