Après son excellent cinquième titre, The Lords of Salem, en 2013, perle d’épouvante accueillie avec tiédeur par ses fans pour cause de quasi non-violence, Rob Zombie avait laissé entendre qu’il s’écarterait du cinéma d’horreur. Oui mais voilà : la déclaration n’était sans doute qu’à demi-sérieuse car Rob aime l’épouvante et, surtout, il aime Sheri Moon, sa compagne, la plus belle nana de Californie, qu’il n’a de cesse de magnifier via l’objectif en confrontant sa blondeur angélique avec la pire vermine. Donc Rob revient avec, par-dessus le marché, un nouveau long métrage qu’il a qualifié lui-même de son « film le plus brutal à ce jour ». De quoi faire se frotter les mains tous les joyeux viandards déçus un peu bêtement par le tempo piano de l’étrange Lords of Salem. Et Sheri est naturellement de retour sous la direction de son gentil mari.

Le titre numérique renvoie à notre date préférée du calendrier : non pas la Saint-Sylvestre mais Halloween, en l’occurrence la veille de la Toussaint de 1976, au cœur d’une décennie qualifiée par Rob comme étant la plus débridée et créative du 20ème siècle. Emblématique de cette liberté, une petite troupe de forains sillonne les routes poussiéreuses de l’Amérique profonde à bord d’un van bariolé. Dans l’habitacle, où on n’aurait pas l’idée de boucler une ceinture de sécurité, on discute de tout et on baise dans les volutes de marijuana, l’insouciance règne. À la nuit tombée, une haie d’épouvantails barre la route du petit convoi. C’est un piège, tendu par une sinistre bande d’hommes de main masqués. Les héros sont faits prisonniers et vont devoir vendre chèrement leur peau. Cette nuit de Samhain sera peut-être leur dernière…

Le scénario de 31 s’avère d’emblée moins ambitieux que celui de Salem. Suivant une intrigue linéaire qui se plie à la règle des trois unités, les personnages, au demeurant intéressants (qui nous changent des sempiternels pseudo-ados des productions de grands studios) vont errer dans un labyrinthe et affronter une succession d’égorgeurs grimés, vicieux, qui ne sont pas sans rappeler les tueurs hauts en couleurs de Running Man. Un véritable jeu de massacre (le côté ludique de l’affaire est souligné par les accoutrements des salauds, aussi absurdes que photogéniques), orchestré par trois crapules fortunées qui, elles, déguisées en aristos du 18ème siècle, apparaissent comme des réincarnations sadiennes, suivant les affrontements à distance pour jouir du spectacle des massacres (on pense pour le coup au pitch des Cent Vingt Journées de Sodome, que le divin marquis, embastillé, écrivit dans l’obscurité de son cachot).

Rob Zombie a dû revoir plusieurs fois son montage pour n’écoper, aux USA, que d’une simple interdiction aux mineurs non accompagnés. Le cinéaste a promis une version « uncut » pour une future édition en DVD, mais peu importe les coupes, le film tel qu’il est visible aujourd’hui est un méchant concentré de sauvagerie macabre, dont l’enjeu n’était certes pas de visser le public à son siège par une intrigue sensationnelle, mais plutôt d’étaler sur l’écran les excès énergiques — et limite pornographiques — d’un petit carnaval d’abominations sanglantes. Avec une quinzaine de morts violentes et sales au compteur (au couteau, à la hache, à la tronçonneuse…), Zombie s’adonne ici à l’horreur pour l’horreur, et il fait ça très bien, malgré un budget serré (campagne de crowdfunding à l’appui) et un plan de tournage qui ne l’était pas moins (les prises de vues se sont étalées sur 20 jours à peine). Du côté de l’interprétation, on retrouve avec un plaisir certain la bande d’acteurs tous plus ou moins coutumiers des films de Zombie. C’est vrai, Sid Haig et Bill Moseley manquent à l’appel, mais les prunelles magnétiques de Meg Foster, la barbe d’ours de Jeff Daniel Phillips (un clone du cinéaste !) ou encore l’inquiétant faciès émacié de Richard Blake sont bien là. Malcolm McDowell joue les méchants le visage blanchi à la poudre de riz en cabotinant comme il sait si bien le faire. Et puis, et puis… il y a Sheri — on en revient toujours à elle ! —, à qui Rob a forcément réservé le rôle de la « final girl ». Son long calvaire fait notre bonheur, et les inserts sur ses yeux bleus mi-clos face au soleil et à la mort auraient de quoi faire rappliquer illico le spectre de Sergio Leone derrière la caméra.

 

31 est disponible depuis le 16 septembre en VOD aux USA et sortira également dans un réseau de salles limité fin octobre, tout pile pour Halloween… Pas de date officielle de distribution française pour le moment, mais le film est au programme de l’édition 2016 du Festival du Film fantastique européen de Strasbourg (projections les 19, 20 et 25 septembre) et figurera également dans la sélection du PIFFF, qui se tiendra au cinéma Max Linder, à Paris, du 6 au 11 décembre 2016.